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25 août 2020

Fantasia 2020 | ★★★¼ | Labyrinth of Cinema (海辺の映画館 キネマの玉手箱)

Fantasia 2020 | ★★★¼ | Labyrinth of Cinema (海辺の映画館 キネマの玉手箱)

Réalisation: Nobuhiko Obayashi
Parmi les films que ne nous voulions manquer sous aucun prétexte dans le cadre de ce Fantasia 2020 figure incontestablement le dernier film de Nobuhiko Obayashi, mort en avril dernier à l’âge de 82 ans.
Avec cet ultime film, le cinéaste suit trois jeunes hommes qui assistent à une projection dans un vieux cinéma. Ils se retrouvent littéralement projetés dans des films anciens et permettent ainsi aux spectateurs que nous sommes de les accompagner dans un voyage aussi bien dans l’histoire du cinéma japonais que dans celle du Japon (en parcourant plus précisément l’époque féodale, la guerre sino-japonaise et la seconde guerre mondiale, avec Hiroshima en point d’orgue) et de croiser entre autres des figures comme Miyamoto Musashi ou Yasujirō Ozu.
Pourtant réalisé par un vétéran, le film semble au début signé par un adolescent amateur de pop culture qui revisite avec insolence ses classiques. Les longues premières minutes, relativement poussives, glissent progressivement vers plus de maîtrise et de gravité, tout en conservant une fantaisie toujours omniprésente mais de mieux en mieux dosée... Au fur et à mesure qu’il progresse, ce film testament (pour une fois, l’expression n’est pas galvaudée) devient de plus en plus touchant et permet à Nobuhiko Obayashi de rendre un dernier hommage à son cinéma national tout un livrant un ultime message anti-guerre et en nous rappelant par ses excès stylistiques qu’il n’est jamais trop tard pour en faire toujours un peu trop!

25 janvier 2020

★★★★ | The Forest of Love

★★★★ | The Forest of Love

Réalisé par Sion Sono | Pas de sortie en salle au Québec — Disponible en VSD
Ayant réalisé une vingtaine de films dans la dernière décennie, allant de l’opéra rap au drame de science-fiction intimiste, Sion Sono est un cinéaste impossible à cerner. Pourtant, en s’appropriant une histoire vraie avec The Forest of Love, produit par Netflix, le cinéaste semble s’être donné le projet fou de faire son film somme des années 2010. Ce qui est certain, c’est que personne n’en sortira indemne.
Jouant a priori sur deux récits, celui d’un groupe de cinéastes amateurs (très similaires aux Fuck Bombers de son Why Don’t You Play in Hell) et celui d’écolières habitées par un traumatisme (on pense alors à Tag), Sono crée un scénario à la fois porté par l’ambition et les regrets. Sans perde l’énergie foutraque des meilleurs films du réalisateur, The Forest of Love dévoile lentement un intérêt malsain à faire vivre à ses personnages un nombre incalculable de violences, d’abus et de souffrances.
Loin d’être le rêve d’un réalisateur sadique, on sent Sono très touché par ce qu’il présente. Le film explore le trauma sous toutes ses formes avec tellement d’aplomb qu’il en devient désarmant, à fleur de peau, alternant entre l’angoisse la plus totale et la mélancolie tranquille. Des idées entières de sa filmographie sont ici recyclées et réinterprétées, tournant parfois des gags de ses autres œuvres en tableaux d’une tristesse infinie. The Forest of Love est un film hanté par le passé, abattu face à la marche du temps, et pourtant, même en connaissant ses référents, c’est l’œuvre surprenante d’un cinéaste extrêmement prolifique qui semble avoir toujours beaucoup à dire. Sono a rarement été aussi émouvant.

19 juillet 2019

Fantasia 2019 | ★ | Sadako

Fantasia 2019 | ★ | Sadako

Réalisé par Hideo Nakata
Hideo Nakata a indéniablement marqué le cinéma d’horreur japonais. Non seulement, il a réalisé l’excellent Dark Water, mais il est également à l'origine de Ringu, l'une des franchises les plus connues dans l'univers cinématographique horrifique (pas seulement japonais... il a d’ailleurs réalisé par le passé une suite très satisfaisante du remake américain).
Avec Sadako, film d’ouverture de la nouvelle édition de Fantasia, il nous montre non seulement que le filon est épuisé, mais que son talent s’est envolé avec!
Certes, le film est techniquement irréprochable... mais il n’y a rien d’autre à sauver. Scénario très faible multipliant les coïncidences de manière indécente, personnages transparents et caricaturaux, mise en scène incapable de faire ressentir la moindre tension, musique mal utilisée, dialogues trop souvent risibles qui ne font qu’accentuer notre sentiment de rejet envers cette œuvre clairement dispensable.
On oublie au plus vite...

14 mai 2019

★★★★ | Asako I & II (Netemo sametemo)

★★★★ | Asako I & II (Netemo sametemo)

Réalisé par Ryûsuke Hamaguchi | Dans les salles du Québec le 17 mai 2019 (MK2│Mile End)
Quelle étrange suite au monumental Happy Hour qu’est Asako I & II! Au carrefour des genres, évoquant tour à tour la fable et les comédies romantiques, le nouveau film de Ryûsuke Hamaguchi est une œuvre singulière qui dépasse la caractérisation et surprend à chaque tournant.
Deux années après avoir été abandonnée inopinément par son amant qui lui promettait pourtant de revenir, Asako rencontre un homme physiquement identique. À partir d’une prémisse qui évoque directement Vertigo, le réalisateur place au premier plan l’absurdité et l’irrationalité de nos relations amoureuses sans jamais moquer le sentiment ou en ignorer la beauté.
Ce qui étonne de prime abord est l’apparente passivité, voire la naïveté, affichée par le personnage d’Asako. La protagoniste fait longtemps l’effet d’une coquille vide, tant elle reste silencieuse et semble se laisser aller dans les événements sans vraiment y prendre part. Tranquillement toutefois, Hamaguchi explore les sentiments de son personnage, tout en subtilité, par tous les moyens disponibles, usant par exemple du discours que les personnages secondaires ont envers elle. Il prouve alors que l’impression donnée dans un premier temps était faussée. Il réussit la tâche difficile d’étoffer un personnage réservé, sans raccourcis de mise en scène qui permettraient des représentations littérales d’un univers intérieur à l’écran.
Si Hamaguchi est avare en effet de style, sa mise en scène est loin d’être impersonnelle. Asako I & II alterne sans effort un réalisme retenu laissant toute la place aux acteurs et des envolées fantaisistes. Un passage au centre du film réconcilie admirablement ces deux tons, le spectre d’une vie routinière se confrontant habilement à des coïncidences presque improbables. Le récit réserve des surprises qui forcent le spectateur à réévaluer ce qui lui est présenté jusqu’au tout dernier plan, sans que le réalisateur ne manipule son auditoire dans un jeu de faux-semblants. Il prend simplement le temps d’établir son discours avec soin.
Autant Asako I & II explore clairement le deuil des relations amoureuses et l’impossibilité de complètement laisser le passé derrière soi face à l’avenir, autant le nouveau film d’Hamaguchi reste toujours imprévisible dans ses idées et ses développements. C’est sa grande force, tant chaque nouvelle surprise ajoute à la profondeur de l’œuvre, faisant d’Asako I & II l’un des films les plus surprenants et les plus touchants sur un thème aussi souvent exploré que l’amour.

20 décembre 2018

★★★★ | Une affaire de famille / Shoplifters (Manbiki Kazoku)

★★★★ | Une affaire de famille / Shoplifters (Manbiki Kazoku)

Réalisé par Hirokazu Kore-eda | Dans les salles du Québec le 21 décembre 2018 (Métropole)
La famille a toujours été au cœur du cinéma d'Hirokazu Kore-eda. Il l'a pourtant rarement traitée d'une aussi belle façon que dans Shoplifters, Palme d'Or du dernier Festival de Cannes.
Suite à un détour moins mémorable par le drame judiciaire (avec The Third Murder, inédit au Québec mais disponible en dvd), voir le cinéaste nippon revenir à la source de ses obsessions est toujours un plaisir incommensurable. Après avoir aiguisé davantage son style avec Notre petite sœur et Après la tempête, le voilà qui s'attaque de front au problème de la pauvreté au Japon. Il ne le fait pas en prêchant dans le désert comme Ken Loach et compagnie, mais en concentrant son regard sur une famille unie malgré les intempéries.
Ce cocon familial devient ainsi source de protection pour une petite fille retrouvée et adoptée par le clan. Ses membres, dysfonctionnels en solitaire, se renforcent au contact de leurs semblables, que le lien soit de sang ou pas (une question déjà abordée sur Tel père, tel fils). La laideur et la dureté du monde extérieur sont alors transformées par l'amour des autres, bien que les manières d'y arriver — par le vol, notamment — s'avèrent évidemment discutables.
Le réalisateur ne romance jamais la condition de ses individus, créant peu à peu une brèche dans leur fondation qui s'ébranlera avant la fin. Il ne les juge en aucune occasion, évitant tous les pièges (ils sont si nombreux: misérabilisme, morales d'usage, mièvrerie, sensibilité bien pensante, etc.) en portant un regard noble et empathique sur la situation, qui n'est pas exempt d'humour.
Cela passe évidemment par la mise en scène, d'une justesse inouïe, pas esthétisante comme celle d'Alfonso Cuaron dans Roma, et qui sert parfaitement son sujet. Elle s'oublie pour laisser le quotidien se manifester réellement à l'écran. On semble vraiment être avec les personnages, qui sont campés avec délectation par la traditionnelle famille de cinéma du cinéaste. Cela n'empêche pas les plans de rivaliser de beauté au sein d'un montage expert au rythme organique, dont les métaphores subtilement intégrées amènent tour à tour tension, émotions et libération. C'est le cas notamment du dernier plan où une fillette hésite à sauter par-dessus une clôture.
Auteur d'une filmographie essentielle dont Nobody Knows et Still Walking sont ses principaux porte-étendards, Kore-eda rappelle avec Shoplifters qu'il fait toujours partie de l'élite de son art. Impossible de ne pas ressortir bouleversé d'humanité de cette œuvre magnifique où la vie triomphe pendant deux heures.