7 février 2020

 ★★★ | En attendant Avril

★★★ | En attendant Avril

Réalisé par Olivier Godin | Dans les salles du Québec le 7 février 2020 (La Distributrice de Films)
Texte initialement publié à l'occasion du FNC 2018

Il y a peu de cinéastes aussi idiosyncratiques qu’Olivier Godin, encore moins au Québec. On ne pourrait pas prendre En attendant Avril comme le film d’un autre réalisateur. Le cinéma de Godin, que l’on qualifierait trop vaguement de surréaliste, multiplie les points de référence avec des influences aussi révolues que contemporaines, réussit toujours à faire beaucoup avec des moyens limités et, quoi que l’on en pense, fait toujours impression.
Cela étant dit, En attendant Avril est très proche du précédent film du cinéaste, Les arts de la parole. Les deux forment une sorte d’abstraction du film policier : enquêteur, enquêtrice dans le cas présent, au premier plan dans une quête qui tient du prétexte permettant au réalisateur de déployer sa poésie. Les deux font aussi un contrepoids à ce genre typiquement commercial en allant puiser dans le folklore québécois, la présence du conteur Michel Faubert, ici mis au premier plan, complétant ce geste. Dans la filmographie du cinéaste, En attendant Avril s’établit comme une continuation plutôt qu’un renouvellement.
Formellement, En attendant Avril est certainement moins désuet que Les arts de la parole. Très statique, la mise en scène a tout de même son lot de petites trouvailles. On retiendra particulièrement l’utilisation des couleurs pour donner corps à des décors limités, ou encore l’utilisation constante de mains pour mimer les fermetures d’iris de la caméra. Les idées déployées par Godin impressionnent par leur créativité, touchent par leur simplicité.
C’est dans les dialogues que le cinéaste est à son naturel. Drôles et beaux d’un même geste, ils établissent un ton de poésie singulière. Les acteurs se prennent au jeu avec un plaisir apparent et, même si les performances sont dans l’ensemble inégales, cela ne fait qu’ajouter au charme artisanal du film.
Si le cinéma de Godin provoque au premier abord la surprise, l’effet est grandement estompé pour ceux qui ont suivi le parcours du réalisateur depuis Nouvelles, Nouvelles. Il ne faudrait toutefois pas ignorer le film pour si peu. Godin est un cinéaste inimitable et c’est un plaisir de voir une nouvelle œuvre de sa part.

31 janvier 2020

★★½ | Le rire

★★½ | Le rire

Réalisation : Martin Laroche | Dans les salles du Québec le 31 janvier 2020 (Maison 4 : 3)
Jusqu’ici, les films de Martin Laroche ont été financés sans l’aide des institution, y compris ses deux grandes réussites (Les manèges humains et Tadoussac).
Avec Le rire, le cinéaste accède enfin à des conditions de production plus confortables. Malheureusement, en changeant de braquet, il perd une partie de ce qui faisait la force de son cinéma. La perte la plus importante est probablement son rapport aux interprètes. Dans ses deux films précédents, le lien qu’il entretenait avec eux (et, surtout, avec elles... ses personnages féminins étant, comme ici d’ailleurs, les personnages centraux) était marqué par une impression de proximité, comme si le cinéaste, la caméra et les interprètes avaient trouvé une intimité artistique qui donnait aux personnages une sensibilité et une vérité comme on en voit peu. Dans Le rire, cette magie n’opère plus. Certes, Micheline Lanctot et Léane Labrèche-Dor sont irréprochables, mais elles œuvrent avec une maîtrise et un indéniable professionnalisme qui ressemblent ici étrangement et paradoxalement à un défaut... surtout si on compare leurs prestations aux prestations antérieures de Camille Mongeau, Isabelle Blais et Marie-Evelyne Lessard, qui étaient empreintes d’une urgence, d’une nécessité, d’une fébrilité qui collaient à merveille aux personnages et à l'univers du cinéaste.
Malheureusement, ce n’est pas tout. Laroche perd en effet le contrôle d’un autre élément qui était une des grandes forces de son cinéma. Certes, ses dialogues sont toujours très justes, mais son scénario veut emprunter tellement de pistes qu’il finit par se perdre dans un trop-plein d’ambition mal maîtrisée et de prises de risques mal contrôlées. La très courte première séquence du film, qui se conclut par une chorégraphie dont on aurait pu se passer, en est le premier exemple. Cependant, la seconde séquence, plus longue, est à l’image d’une autre facette de ce film qui possède heureusement quelques moments nous permettant de retrouver un cinéaste que l’on a beaucoup aimé. Cette séquence de charnier est en effet maîtrisée d’un bout à l’autre : de la tension dramatique à l’interprétation, en passant par ses choix de mise en scène (avec une caméra tour à tour souterraine et aérienne). Très rapidement, le film nous annonce la couleur: il aura des allures de montagnes russes, alternant (un peu de) bon et (trop de) moins bon. Cela n’est cependant pas assez pour nous faire oublier le talent de Laroche. Il a essayé quelque chose d’ambitieux. Il est passé à côté. Nous n’avons qu’une envie : attendre son prochain film, en espérant qu’il retrouve ce qui faisait de lui le réalisateur québécois de films fauchés le plus indispensable de ces dernières années.

25 janvier 2020

★★★★ | The Forest of Love

★★★★ | The Forest of Love

Réalisé par Sion Sono | Pas de sortie en salle au Québec — Disponible en VSD
Ayant réalisé une vingtaine de films dans la dernière décennie, allant de l’opéra rap au drame de science-fiction intimiste, Sion Sono est un cinéaste impossible à cerner. Pourtant, en s’appropriant une histoire vraie avec The Forest of Love, produit par Netflix, le cinéaste semble s’être donné le projet fou de faire son film somme des années 2010. Ce qui est certain, c’est que personne n’en sortira indemne.
Jouant a priori sur deux récits, celui d’un groupe de cinéastes amateurs (très similaires aux Fuck Bombers de son Why Don’t You Play in Hell) et celui d’écolières habitées par un traumatisme (on pense alors à Tag), Sono crée un scénario à la fois porté par l’ambition et les regrets. Sans perde l’énergie foutraque des meilleurs films du réalisateur, The Forest of Love dévoile lentement un intérêt malsain à faire vivre à ses personnages un nombre incalculable de violences, d’abus et de souffrances.
Loin d’être le rêve d’un réalisateur sadique, on sent Sono très touché par ce qu’il présente. Le film explore le trauma sous toutes ses formes avec tellement d’aplomb qu’il en devient désarmant, à fleur de peau, alternant entre l’angoisse la plus totale et la mélancolie tranquille. Des idées entières de sa filmographie sont ici recyclées et réinterprétées, tournant parfois des gags de ses autres œuvres en tableaux d’une tristesse infinie. The Forest of Love est un film hanté par le passé, abattu face à la marche du temps, et pourtant, même en connaissant ses référents, c’est l’œuvre surprenante d’un cinéaste extrêmement prolifique qui semble avoir toujours beaucoup à dire. Sono a rarement été aussi émouvant.

17 janvier 2020

★½ | Clemency (Une ultime grâce)

★½ | Clemency (Une ultime grâce)

Réalisation: Chinonye Chukwu | Dans les salles du Québec le 17 janvier 2020 (MK2│Mile End)

Sur le papier, Clemency a beaucoup pour nous plaire. Tout d’abord, il aborde un sujet essentiel (la peine capitale). Ensuite, il le fait avec un refus évident d’excès de sentimentalisme et avec ce qui se voudrait de la sobriété (beaucoup de non-dits, une interprète principale tout en retenue, etc.). Surtout, la cinéaste prend pour personnage central une femme dont une des fonctions professionnelles est justement (entre autres… puisqu’il s’agit d’une directrice de prison) d’être garante du bon fonctionnement du processus d’exécution des condamnés. Le plus passivement et mécaniquement du monde, elle doit donc s’assurer que la mise à mort se déroule au mieux. (Le simple fait d’écrire les huit mots qui précèdent est difficile !). En soi, cette tâche est terrible… mais lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu, ou si un condamné ne ressemble pas à une brute sanguinaire, comment gérer tout cela ?
Voilà pour les (bonnes) intentions… qui malheureusement, se transforment vite en promesses (non tenues). En effet, à force de vouloir éviter tous les pièges inhérents à ce genre de film, la cinéaste tombe dans l’excès inverse… et le film devient d’une lourdeur tout aussi assommante. Nous n’avons rien contre les silences et la sobriété du jeu, bien au contraire. Mais ici, tout est si accentué que la cinéaste pèche par excès de retenue, et finit par totalement désincarner son film. Certes, l’objectif était notamment de montrer comment une telle fonction peut transformer une personne en coquille vide, mais le manque de subtilité dans la démonstration finit par nuire à l’ensemble de l’œuvre… et au jeu de Alfre Woodard, qui est pourtant une bonne actrice, mais qui transforme (très probablement pour se conformer aux désirs de Chinonye Chukwu) en caricature de personnage qui se laisse vider par sa profession.  
Devant l’enthousiasme général, nous nous disons que nous n’avons probablement pas visionné la même copie que tout le monde… Une fois de plus!

10 janvier 2020

★★½ | Synonymes

★★½ | Synonymes

Réalisation : Nadav Lapid | Dans les salles du Québec le 10 janvier 2020 (Cinéma du Parc)
Film récipiendaire de l’Ours d’or à la dernière édition du festival de Berlin, Synonymes met en scène l’histoire d’un jeune immigrant israélien qui tente de se réinventer à Paris. C’est sous le signe de la réinvention, que Yoav (Tom Mercier) reniera en quelque sorte sa patrie (coupable de tous les maux) afin de plonger corps et âme dans la culture française. Aidé par ses deux nouveaux amis parisiens ainsi que par ses leçons de français, le processus d’intégration ne se fera pas sans heurt.
Le sujet de l’étranger, cet autre vivant malgré lui un puissant choc culturel, n’est pas nouveau. Cependant, le réalisateur parvient à échapper au piège du misérabilisme en insufflant une bonne dose d’humour à son scénario. Si la situation de départ semble inspirer le malheur, l’arrivée de Yoav à la terre promise (Paris serait la sienne) est pour lui une renaissance. C’est avec le langage, le sens que l’on donne aux choses (ou le sens qu’on voudrait qu’elles aient) que le personnage principal redécouvre son goût de vivre.
Synonymes permet le rire et la réflexion quant à l’idéal national et aux idées préconçues. Plus Yoav avance dans son périple, plus il comprend que la France n’est peut-être pas une oasis au milieu du désert. Il s’agit là de la plus grande réussite du film dont le discours perd cependant en force en raison de la lourdeur de certains choix de mise en scène. Il y a quelque chose de forcé, notamment dans le jeu des comédiens (que l’on pourrait presque prendre pour de la prétention). Toutefois, le film fait le pari de confronter le manque de nuances dans les croyances de son personnage principal (France/paradis - Israël/enfer sur terre) aux complexités de la réalité. Au final, le sentiment d’appartenance et le désir viscéral de trouver sa place ne se situent pas toujours là où on le croit.

9 janvier 2020

★★★★ | Les Misérables

★★★★ | Les Misérables

Réalisation : Ladj Ly | Dans les salles du Québec le 10 janvier 2020 (TVA-Films)
Dans un quartier difficile, à Montfermeil, les policiers de la BAC (Brigade anti-criminalité) circulent, observent, tissent comme ils peuvent des liens avec la population… jusqu’au jour où un événement a priori anodin (le vol d’un lionceau par un gamin) va avoir des conséquences dramatiques !
Ce qu’il dépeint dans son premier film, Ladj Ly le connait par cœur. Montfermeil ? Il y vit encore. Les policiers de la BAC ? Il les a observés, filmés des heures durant, allant même jusqu’à documenter une bavure… comme le fait un des jeunes protagonistes dans son film.
Alors lorsqu’il filme cette cité, il nous donne l’impression d’y être. Chaque détail, chaque lieu nous aide à comprendre un peu mieux le quotidien. Le cinéaste donne vie à son quartier avec une telle justesse qu’à aucun moment, les éléments qu’il apporte ne semblent fonctionnels (même si pourtant, chacun a bel et bien comme fonction d’ajouter une pièce à l’édifice que construit Ly). Cette capacité d’observation et de restitution d’un milieu est exceptionnelle. Pourtant, le sujet du film (une bavure policière et ses conséquences) et l’histoire même du cinéaste peut nous laisser craindre le pire, à savoir le manichéisme (les méchants policiers face aux pauvres victimes). L’autre force de Ly est justement de l’éviter. En chacun de ses personnages, il trouve en effet aussi bien la part d’humanité que les failles, parfois évidentes (le flic raciste et beauf), parfois beaucoup moins (l'aveuglement d’un parent). Et une fois de plus, il le fait avec une telle justesse que cela fonctionne, car sans jamais donner au spectateur la moindre impression d’intentionnalité. Et… à nouveau, tous semblent justes, tous interviennent dans l’histoire quand il le faut, comme par évidence, comme s’ils étaient là par hasard ! La maîtrise de l’écriture de Ly est telle que tout semble d’un naturel presque insolent. Mais au-delà de ces qualités, Ly prouve qu’il est également un cinéaste. Évitant en permanence les clichés des films de banlieue comme ceux d’un cinéma d’auteur faussement documentaire, il préfère l’immersion contrôlée, génératrice d’une tension qui progresse en douceur mais nous conduisant pourtant vers une explosion que l’on sait d’emblée inéluctable.
Et comme Ladj Ly refuse de juger sans chercher à comprendre et de condamner naïvement, il nous livre un film rare : à la fois très simple dans son déroulement narratif mais très complexe dans le portrait qu’il dresse d’une société et des gens qui la composent. Car oui, les causes d’un mal sont multiples. Le dire semble banal… mais le dire avec une telle intelligence, une telle justesse et un tel sens de la nuance est plus que rare.
À n'en pas douter, Les Misérables est un des grands films de cette année. Probablement également un des grands films sur son époque.

19 décembre 2019

★★★★ | A Hidden Life (Une vie cachée)

★★★★ | A Hidden Life (Une vie cachée)

Réalisation : Terrence Malick | Dans les salles du Québec le 20 décembre 2019 (Buena Vista)
En s’inspirant de la vie de Franz Jägenstätter  un fermier autrichien qui a refusé de prêter allégeance à Hitler durant la Seconde Guerre mondiale  Terrence Malick revient dans les bonnes grâces de la critique internationale avec ce drame biographique profondément humain. On retrouve dans ce film ce qui fait la grande force du réalisateur de The Thin Red Line et The Tree of Life, à savoir un travail d’une beauté formelle immense mêlé à une fresque d’une ampleur très intimiste.
Lors de ses trois derniers films, Malick en a laissé plus d’un perplexe avec cette approche minimaliste et ses expérimentations visuelles en HD (haute définition) mais au fil conducteur quasi inexistant. On lui a surtout reproché de se perdre dans ses réflexions et de refuser toute forme de concession. Avec A Hidden Life, Malick explore un pan méconnu de l’histoire. À travers ce récit bouleversant filmé à l’état d’apesanteur et d’une grande richesse formelle (lumière naturelle, montage saccadé, grand angle), Malick réussit à conjuguer avec bonheur formaliste et réflexions métaphysiques et spirituelles. Ce fermier et père de famille a été emprisonné comme objecteur de conscience, car contrairement à la majorité des villageois des montagnes autrichiennes qui ont voté en faveur de l’annexion de leur pays à l’Allemagne nazie, ce dernier a refusé allégeance et fut condamné à exécution à Berlin en 1943. Il est aujourd’hui vénéré comme bienheureux et martyr par l’Église catholique.
C’est à partir de ce drame humain que le réalisateur de Days of Heaven explore de manière très austère le sens de la vie. Malgré la durée (le film fait près de trois heures), Malick filme de façon très contemporaine les saisons qui passent comme un long poème visuel étendu dans l’espace-temps. Avec des dialogues minimalistes, A Hidden Life s’impose comme une réflexion rigoureuse sur la foi chrétienne et s’impose comme un des meilleurs films de l’année et peut-être son film le plus accessible à ce jour. Un hymne poético-philosophique à la gloire de ce héros malgré lui dont la résistance n’a d’égard que le poids de ses convictions morales et humaines.
★★½ | The Twentieth Century (Le vingtième siècle)

★★½ | The Twentieth Century (Le vingtième siècle)

Réalisation : Matthew Rankin | Dans les salles du Québec le 20 décembre 2019 (Maison 4:3)
Pour son premier long-métrage, le prolifique bricoleur Matthew Rankin n’a rien perdu de sa créativité. Effectivement, The Twentieth Century est une épopée « historique » mêlant avec plaisir l’animation, le cinéma expérimental, et les minutes du patrimoine canadien. En adaptant très librement la vie de Mackenzie King, politicien reconnu pour sa circonspection maladive, le réalisateur semble avoir trouvé le sujet idéal pour son saut vers le long-métrage mais, la surprise initiale passée, son film peine à garder le cap, cachant derrière son inventivité formelle un humour potache épuisant et un discours politique superficiel.
Les influences de Maddin sont évidentes (des influences qui se retrouvent jusque dans le casting) mais Rankin ne se contente pas d’être qu’un émule. Son film trouve des inspirations partout, des premiers temps du cinéma jusqu’au scrapbooking, faisant de The Twentieth Century un plaisir visuel certain. Cela étant dit, au fil des scènes, l’approche esthétique en constante réinvention de Rankin trouve ses limites. Les référents visuels n’approfondissent rien et les partis pris esthétiques empruntés ne servent que le geste créatif, n’ayant rarement plus de volonté que celle d’épater. Lorsque par exemple Rankin utilise régulièrement des acteurs en mode drag, il ne semble faire le geste que par excentricité artistique, celui-ci n’ajoutant rien à son discours, et lorgne vers la simple appropriation.
Par la vie de Mackenzie King, le réalisateur s’attaque joyeusement au marasme de la politique canadienne. Encore une fois Rankin fait habilement référence à plusieurs anecdotes de la vie de son sujet ou du monde politique canadien, mais l’humour s’attaque à des cibles faciles. En se moquant de l’hypocrisie de ses personnages, Rankin en arrive tout de même à répliquer leur discours, faisant sans grande créativité une blague de ses personnages au physique désagréable, des problèmes sexuels de son protagoniste ou en tombant dans l’humour scatophile. Si la même inventivité avait été appliquée à l’élaboration des gags qu’à l’aspect visuel, on aurait pu excuser la facilité des cibles, mais le film se suffit de son concept, délaissant son texte au passage. Rankin démontre certainement qu’il est capable de renouveler son esthétique sur la durée, mais en s’attaquant à son sujet toujours au premier degré, il fait un premier long qui s’essouffle rapidement.