28 août 2013

10 questions à Bruno Dumont (réalisateur de Camille Claudel 1915)

Crédit photo: Niagara Films

Nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions via email à Bruno Dumont à l’occasion de la présentation de Camille Claudel 1915 au FFM (également dans les salles du Québec dans quelques jours, lire notre minicritique). La brièveté des réponses et le manque d’interactions s’expliquent par la forme particulière de nos échanges. Nous tenions à le préciser.

Juliette Binoche vous a contacté car elle souhaitait travailler avec vous. Vous a-t-elle dit pourquoi?
Sortir de ses sentiers…

Comment êtes-vous venu à lui proposer d’interpréter Camille Claudel?
Faire une artiste à partir d'une artiste. Juliette Binoche est une star, Camille Claudel également : il n'y avait pas d'erreur d'emblée à lui proposer ce rôle. La composition nécessite au moins des similitudes pour se faire.

Vous avez l’habitude de diriger des non professionnels. Qu’est-ce qui vous plaît tant chez eux... et pourquoi avoir modifié vos habitudes?
Le non professionnel est original, d'une grande puissance expressive et inégalée. Le professionnel moins, excepté quand il retrouve sa nature propre, à savoir un rôle à sa mesure...il n'y a alors aucune différence et la plénitude est possible.

Diriger des vrais malades mentales peut présenter une difficulté particulière. Le fait de pouvoir s'appuyer sur une actrice d’expérience était-il un avantage?
A partir du moment où vous les désirez dans leur capacité c'est une joie de travailler avec elles. Juliette Binoche est une aventurière, la coexistence de ses femmes fut chaque jour fructueuse pour elles toutes.

Pouvez-vous nous parler des malades justement? Je crois savoir que le personnel médical a joué un rôle important dans le projet. Son implication a-t-elle permis de développer un projet thérapeutique avec les malades?
Je voulais travailler avec des personnes handicapées hors desquelles je ne voyais rien de possible... La participation du personnel médical fut pleine et entière. Le cinéma est une thérapie pour tous, ses bienfaits sont infinis.

Pourquoi avoir choisi de n’aborder que quelques jours de l’internement de Camille? Et pourquoi ceux-là?
C'est la date véritable d'une visite de Paul. La vie asilaire est monotone, quelques jours seulement était le seul moyen d'approfondir la connaissance de Camille Claudel internée. La réduction du temps était une façon de le cibler pour l'explorer dans ses entrailles.

Pouvez-vous nous parler du travail d’écriture? Vous vous êtes surtout basé sur des documents existants. Était-il important pour vous de ne pas essayer de “boucher les trous”?
Aller au plus près de la réalité par la connaissance de ce que nous pouvons en savoir : lettres, journal médical, documentation photographiques, écrits de Paul et Camille Claudel.

À ce propos, dans quelle mesure la discussion entre Paul Claudel et le religieux est-elle basée sur des écrits?
C'est l'interprétation exacte du récit de la conversion de Paul Claudel, tel qu'il l’ a écrit. Toutes les dialogues sont historiques…

Le film me semble étrangement plus apaisé que vos précédents... peut-être tout aussi désabusé mais moins violent, moins radical et moins oppressant, ce qui est paradoxal en raison du sujet... et qui renforce l’absurdité de l’enfermement de Camille en réalité! Êtes-vous d’accord avec ce point de vue?
Je devais pour la première fois aller à l'expression de la vie d'êtres véritables et donc me plier à l'exactitude des faits et gestes. C'était une sorte de figure imposée dont l'exercice me plaisait.

Cela (mais aussi le fait de quitter le Nord de la France, de diriger une actrice très expérimentée, de faire un film peut-être plus accessible à un plus large public, moins radical) peut-il être vu comme un changement de cap, ou plutôt comme une parenthèse dans votre carrière?
Je ne vous dis pas le changement de cap encore qui suit....

propos recueillis par email le 20 août 2013 par Jean-Marie Lanlo
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