Dans les années 70, un ingénieur du son anglais jusqu’alors spécialisé dans le documentaire (Toby Jones) part pour l’Italie afin de travailler sur le film d’un spécialiste du cinéma d’horreur.
Réalisateur: Peter Strickland | Dans les salles du Québec le 2 août 2013 (Cinéma du Parc)
En propulsant son héros dans un studio de prise de son italien des années 70, Peter Strickland nous livre un petit exercice de style fortement nostalgique. Le directeur photo Nicholas D. Knowland nous offre en effet des images au charme très seventies, mais le réalisateur accorde également une place très importante aux objets de l’époque. Dès les premiers instants, il filme avec un plaisir évident une vielle machine à écrire ou des tampons encreurs qui nous semblent antédiluviens, mais le sujet même de son film lui permet de continuer sur sa lancée avec du matériel de studio bien évidemment d’une autre époque, qu’il filme avec un plaisir tout aussi délectable. Il pousse même la nostalgie en faisant du giallo un élément central de son film. Cependant, il aurait été très convenu, voire un peu facile, de réaliser un nouveau “à la manière de” hyper référentiel. Le réalisateur a donc très judicieusement opté pour une autre approche. En faisant se dérouler l’action de son Berberian Sound Studio lors de la post-production d’un giallo, il prend un malin plaisir à restituer le son de ce genre de productions (musiques, hurlements d’actrices et bruits de chair que l’on découpe) presque à l’infini. Il parvient également à faire naître un climat digne d’un Bava, mais s’amuse à détourner les codes du genre en montrant régulièrement des mains gantées de noir manipuler le matériel d’enregistrement comme s’il s’agissait de redoutables armes blanches.
Qu’un Britannique réalise en 2012 un giallo qui n’en est pas un, en prenant justement la conception d’un tel film comme sujet, était un pari assez risqué qui aurait bien pu tourner à vide. À l’arrivée, Peter Strickland nous livre un exercice de style que certains trouveront peut-être un peu vain. Cela serait regrettable tant son amour probable pour le genre et le talent dont il fait preuve rendent ce Berberian Sound Studio particulièrement agréable!