4 avril 2014

Que ta joie demeure ***½

Denis Côté filme les machines et les ouvriers dans un des «films laboratoires» dont il a le secret.

Réalisateur: Denis Côté | Dans les salles du Québec le 4 avril 2013 (EyeSteelFilm)

Que ta joie demeure pourrait facilement nous donner l’impression d’être une suite de Bestiaire dans laquelle l’usine et les ouvriers auraient remplacé le zoo et les animaux.
Comme dans Bestaire, le travail sur le son est fondamental: le rythme des machine et leur cadence ont quelque chose de charmeur, de captivant, d’hypnotisant... ce qui est à la fois paradoxal et inquiétant.
Cela pourrait être vu comme une réflexion sur la servitude volontaire. Non seulement le travail est répétitif et peu valorisant, mais Denis Côté, en se livrant à une observation poétique de la machine, nous aide à comprendre la fascination qu'elle peut exercer (certains personnages disent se livrer avec elles à une sorte de danse qui leur permet de dépasser les espérances de production des patrons et en tirent la fierté d'un sportif qui battrait un record). Pourtant, ce qui pourrait également ressembler à un éloge du stakhanovisme n’est rien de tout cela, le réalisateur prenant bien soin de ne pas prendre position et agrémentant son film de petites touches d’humour qui l’éloignent du pensum idéologique pour lui donner au contraire par instant des allures ludiques.
Le film semble surtout permettre à Denis Côté d’être de moins en moins où on l'attend… même s’il continue à nous prouver qu'il aime commencer un film et en terminer un autre (jusqu'à maintenant, le plus bel exemple était peut-être Carcasses...). En effet, la machine laisse de plus en plus sa place à l'humain pendant que le documentaire poétique qu'il semblait être, laisse la place à la fiction.
Au final, on pourrait presque se demander où va Denis Côté avec ce film. Peut-être ne le sait-il pas non plus, à moins qu’il ne cherche simplement à nous faire perdre nos repères. Mais il ne le fait pas en usant de provocation facile. Il agit plutôt comme un vieux renard gentiment provocateur qui semble s’amuser à nous déstabiliser en douceur.
Et le pire, c’est qu’on aime ça!

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