24 octobre 2014

L’homme qu’on aimait trop ***

Dans les années 70 à Nice, Maurice Agnelet (Guillaume Canet), un jeune avocat aux dents longues, exploite la naïveté d’Agnès Le Roux (Adèle Haenel), follement amoureuse de lui, pour faire perdre à la mère de la jeune femme (Catherine Deneuve) la tête du casino qu’elle dirigeait. Lorsqu’Agnès se fait trop insistante auprès de son amant, elle disparaît.

Réalisateur: André Téchiné | Dans les salles du Québec le 24 octobre 2014 (AZ Films)

Après un Impardonnables qui portait bien son nom, André Téchiné semble revenir à un niveau plus digne de son talent passé, du moins durant la majeure partie de son dernier film. Le scénario solide introduit parfaitement la situation et les personnages, tout en évitant de se limiter à une simple illustration d’un fait divers réel. Au contraire, il permet à Téchiné de poser un regard très intéressant sur l'évolution d'une société. Son film est en effet l’illustration d’une nouvelle opposition entre les riches d'hier, qui se transmettaient leur richesse de génération en génération, et les nouveaux riches qui se font eux-mêmes une place au soleil à n’importe quel prix. Ce détournement d’un fait divers réel au service d’un questionnement sur le bouleversement à venir d’une société représente un atout majeur au service du film. Il n’est pas le seul. L’homme qu’on aimait trop assume une certaine froideur qui semble parfaitement en phase avec les deux personnages principaux: la bourgeoise rigide et le jeune loup sans scrupules prêt à tout pour gagner de l’argent. Entre les deux, la jeune femme qui souhaite s'émanciper a tellement été élevée dans le coton que son envie de liberté ressemble avant tout à un petit délire d’adolescente (elle est adulte, vient de divorcer, mais vit encore en pleine adolescence: journal intime, rêve du prince charmant, chagrin d’amour poussant au suicide). Ce triple portrait passionnant représente l’autre atout majeur de ce film qui ne laisse jamais les faits prendre le dessus sur la cohérence du récit ou la crédibilité des personnages (ce qui est trop souvent le cas dans les films qui essaient restituer une vérité historique, comme si le “d’après une histoire vraie” pouvait tout permettre).
L’homme qu’on aimait trop ressemble donc à un retour en grâce de Téchiné... du moins pendant les trois quarts du film. La dernière partie, consacrée au procès qui a eu lieu 20 ans après les faits (la disparition d’Agnès Le Roux, dont le corps n’a jamais été retrouvé) ne présente en effet pas le moindre intérêt. Alors que la disparition de la fille venait comme une conclusion parfaite et illustrait son impossibilité à trouver une place entre deux mondes opposés, André Téchiné fait sombrer le film dans ce qu'il avait su éviter jusque-là: la simple illustration d’éléments passés.
Il avait su faire un film d'auteur à partir d’une commande… La fin vient malheureusement agir comme un sérieux bémol. Dommage!
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