15 avril 2016

Les Chevaliers blancs ***½

Vu dans le cadre du festival Cinemania 2015

Une association humanitaire tente illégalement de faire sortir du Tchad une centaine de jeunes enfants dans le but de leur trouver une famille d’adoption en France.

Réalisateur : Joachim Lafosse | Dans les salles du Québec le 15 Avril 2016.

Inspiré par l’affaire de l’Arche de Zoé, le dernier film de Joachim Lafosse (À perdre la raison) raconte une manipulation, autrement dit une fiction nichée au cœur même du réel.
Dès les premières images, on assiste à son élaboration, étape par étape, tandis qu’on voit le chef de l’association (Vincent Lindon, parfait en personnage impénétrable et tout en ambivalence) débarquer avec son équipe dans un village pour mettre en place un faux orphelinat et y construire un décor crédible pour que les autorités et les gens du coin croient à la légitimité de leur mission.
Recueillir 300 enfants en 30 jours, c’est le projet que poursuit Jacques Arnault, prêt à tout pour le concrétiser à n’importe quel prix. Rapidement, l’association se heurte à la réalité et à ses contraintes: les chefs du village pas honnêtes, les enfants introuvables ou sans documentation, la présence militaire, les frictions au sein du groupe, le face à face entre deux cultures que beaucoup oppose, etc. Le film habité par une tension palpable et soutenue avance comme un suspens. À n’importe quel moment, le risque de voir le projet révélé est présent.
Bien documenté, le film prend le temps de construire minutieusement un arrière-fond social de la région et, à plus grande échelle, du pays, en en montrant par exemple les défaillances en terme de structure et de pouvoir politique quand il suffit de payer pour que les problèmes s'évanouissent. Parallèlement à la description de cette réalité sensible, Les Chevaliers blancs s’intéresse aux relations et à la psychologie des travailleurs de l’humanitaire. Occasionnellement, il s’éparpille sur la piste trop convenue pour ne pas dire forcée du couple en conflit, ou celle de la documentariste se trouvant en elle un soudain instinct maternel, mais en dehors de ces réserves, le film reste redoutablement engageant.
En collant à son sujet principal et en en interrogeant toute l’ambiguïté morale (notamment les échanges entre chefs de village et le personnage de Lindon), Lafosse signe là un film intense et passionnant. À ne pas manquer.
L'avis de la rédaction :

Sami Gnaba: ***½
Jean-Marie Lanlo: ***
Martin Gignac: ***
SHARE