27 juillet 2016

Fantasia 2016: We Are The Flesh (Tenemos la carne) ****

Réalisé par Emiliano Rocha Minter

Lors de notre présentation du festival, nous portions de grands espoirs sur ce premier film mexicain. Non seulement il ne nous a pas déçus, mais il est même probablement à ce jour le meilleur film vu à Fantasia cette année!
Le sujet est troublant: un homme mystérieux vit dans une grosse maison vide. Lorsque deux jeunes marginaux se joignent à lui, il accepte à condition qu'ils l'aident à construire une décoration particulière: les grandes pièces dans lesquelles ils vivent se mettent alors à ressembler à une grotte.
Au fur et à mesure que le décor change, la lumière et la bande-son se font moins réalistes. Le spectateur se voit séparé de tout repère pour être progressivement projeté dans un ailleurs infernal. Les événements deviennent alors beaucoup moins moraux (et crédibles): le frère copule avec sa sœur, qui se masturbera plus tard sur le cadavre de l'homme qui les a accueillis, qui reviendra ensuite à la vie… avant d'égorger un militaire pour se nourrir de son sang. Le résultat est très cru (sexes en érections, éjaculations, gros plans sur un sexe de femme, orgie cannibale, etc.) mais pourtant pas outrancièrement provocant car le cinéaste est parvenu à nous faire intégrer un univers qui n’est pas le nôtre, dans lequel les codes ne sont plus les mêmes et où tout est possible.
Pour obtenir ce résultat, il a su faire preuve d’une impressionnante créativité visuelle en faisant de vraies propositions, parfois risquées, mais qui portent constamment leurs fruits. Sans vouloir trop expliciter ses intentions, Emiliano Rocha Minter invite le spectateur dans son univers au même titre que l'homme mystérieux et diabolique entraîne les jeunes dans cette grotte de toutes les perversions et de tous les possibles.
Lorsqu'à la fin du film, un personnage quitte les lieux pour retrouver la vraie vie, celle-ci nous semble bien insignifiante et moche. Que faut-il en déduire? L'enfer serait-il préférable à la médiocrité? Nous ne sommes pas obligés de répondre par l’affirmative à cette question… mais cela ne nous empêchera pas d’être envoûtés par cette expérience sensorielle aussi fascinante que parfaitement maîtrisée!
SHARE