9 octobre 2018

★★★ | The Sisters Brothers (Les frères Sisters)

Réalisé par Jacques Audiard | Dans les salles du Québec le 12 octobre 2018 (Entract Films)
Film vu dans le cadre du FNC 2018.

Le cinéma de genre est souvent présent dans l’oeuvre de Jacques Audiard en venant se greffer sur le reste du film de manière plus ou moins réussie (lire notre critique de Dheepan). Ici, le cinéaste assume pleinement son attirance et nous plonge dès les premiers instants dans un genre hyper codifié (le western) avec une scène de fusillade particulièrement efficace. Avec cette seule scène, le réalisateur nous en dit beaucoup sur ses intentions: assumer pleinement le cinéma de genre et ses codes, sans pour autant se laisser enfermer par eux (la manière dont il filme cette scène nocturne, totalement inhabituelle, est significative).
Malheureusement, nous comprenons très vite qu’Audiard éprouve des difficultés à courir deux lièvres à la fois, la force habituelle de son cinéma (les personnages) devenant ici son point faible. Cet aspect comporte pourtant des éléments positifs: les acteurs qui les incarnent leurs apportent une véritable complexité et leurs parcours sont improbables mais pourtant crédibles. Interprétation et écriture ne sont donc pas à mettre en cause. Le problème viendrait de la démarche même d’Audiard, et de cette envie d’assumer le genre dès le début du film. Même si ses personnages sont bien définis, le cinéaste peine à les faire exister pleinement, comme si son besoin de jouer avec les codes du genre étouffait les êtres… ou, dit autrement, comme si le cinéaste ne parvenait plus à filmer aussi naturellement les failles de ses personnages, ce qu’il faisait jusqu’ici sans en avoir l’air, d’un simple plan sur un corps, un regard, un geste.
Une fois de plus, Audiard a un peu le culs entre deux chaises, mais ici un peu plus que d'habitude. Jusqu’ici, ses qualités prenaient le dessus sur les maladresses. Avec ce film, c'est moins évident. Il est toujours talentueux, mais il lui manque son sens de l’observation habituel, qui suffit à faire naître l’émotion d’un rien. Mais ce n'est peut-être pas ce qu'il cherchait: plus que la vie, c'est le western, le mythe, les codes qui semblaient l'intéresser. Si on parvient à regarder son film sous cet angle, il est probablement plutôt réussi. On aurait juste voulu que son talent lui permette d’élever The Sisters Brothers au statut de grand western, c'est à dire de grand film!
Pour cela, un peu plus tôt dans l’année, il y a eu Hostiles. Le dernier Audiard n’est clairement pas de la même trempe!
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