12 février 2016

Dheepan ***½

Film vu dans le cadre du festival Cinemania 2015

Un ancien soldat, une femme et une enfant cherchent par tous les moyens à quitter la guerre civile qui ravage leur pays. Ils ne se connaissent pas mais se font passer pour une famille pour obtenir le statut de réfugié. Ils trouvent asile en France, dans une cité sensible.

Réalisation: Jacques Audiard | Dans les salles du Québec le 12 février 2016 (Métropole)

Dheepan est un film au titre un peu trompeur! Plus que Dheepan (le père), ce sont les trois membres de sa fausse famille qui sont en réalité au centre du film. La grande force de Jacques Audiard est de parvenir à donner progressivement une existence à ces trois personnages, qui semblent dans un premier temps avoir été réinitialisés comme des ordinateurs défaillants (nouvelle identité, nouvelle famille, nouveau pays, nouveau métier, nouvelle vie). Progressivement ils commencent à prendre de l'épaisseur, à passer du statut d'anonymes presque transparents au statut d'humains doués de sentiments. Dans le même temps, une relation s'établit entre eux, avec l’envie plus ou moins partagée de devenir la famille qu'ils sont sensés être. Audiard a de plus l'intelligence de les plonger dans un contexte social aucunement réaliste (il ne filme pas la banlieue, mais un fantasme de banlieue). À côté de cet arrière-plan trop caricatural, les personnages deviennent les éléments indiscutablement essentiels du film, auxquels aucun alibi sociétal ne fait d’ombre.
Audiard fait alors preuve de justesse dans sa manière de filmer, et donc d’un profond respect pour ses sujets (y compris pour les personnages secondaires qui, par ricochet, contribuent à la définition des principaux). Chaque scène magnifiquement maîtrisée permet une évolution progressive et toujours crédible des situations et des êtres… avant que le réalisateur ne perde un peu pieds en glissant maladroitement vers le cinéma de genre.
En basculant vers un autre cinéma, Audiard casse alors ce qu'il était parvenu à mettre en place subtilement. Certes, même dans cette dernière partie, certaines scènes sont intrinsèquement intéressantes, mais elles s'intègrent particulièrement mal au reste de l’oeuvre. Audiard semble vouloir délaisser la finesse pour en mettre plein la vue au spectateur… ce qui a pour seul effet de nuire à son film.
Pourtant, comme c'était déjà le cas pour De rouille et d’os avant lui, on a envie de dire que tout cela n'est pas si grave. Les trois premiers quarts du films sont si parfaits que Dheepan reste un film à ne pas manquer. Nous aurions juste aimé qu'il ne s’égare pas autant dans la dernière ligne droite. Il aurait alors pleinement mérité sa Palme d'or!
L'avis de la rédaction :

Jean-Marie Lanlo: ***½
Sami Gnaba: ***½
Martin Gignac: ***½
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