5 novembre 2021

★★★½ | Spencer

Réalisation: Pablo Larraín | Dans les salles du Québec le 5 novembre 2021 (Entract Films)

Cinq ans après Jackie, portrait poignant de Jacqueline Kennedy interprétée par Natalie Portman, Pablo Larraín présente Spencer, un nouveau drame biographique visant à représenter une femme emblématique et à l'élever du rôle de simple épouse d'un homme d'État (cette fois, Lady Diana, personnifiée par Kristen Stewart). Si certains craignent la redite, le réalisateur précise d’emblée au générique d’ouverture qu’il s’agit d’un conte de fées tiré d’une véritable tragédie. Un conte au parfum intériorisé débordant même vers le cinéma fantastique, qui se détache volontairement de la réalité et qui le distingue de la facture plus réaliste de Jackie. Deux perspectives diamétralement opposées pour des histoires complétement différentes malgré certaines similitudes dans l’essence du propos : une histoire douloureuse d’amour et de perte, mais également ce désir ardent de se réapproprier son identité, ce quise traduit également par des titres aux diminutifs affectueux.
En situant son action dans un espace clos et défini, Larraín propose un récit fragmenté comme de nombreux éclats alors que la vie de Lady Diana bascule à jamais en l’espace de trois jours tumultueux où elle sombre dans une forme de folie passagère qui l’amène à prendre la décision la plus importante de sa vie.
Kirsten Stewart  est parfaite pour exprimer le malaise et la fragilité de Diana. Accompagné par la musique oppressante de Johny Greenwood qui ajoute à l’atmosphère angoissante, Larraín joue habilement avec les attentes grâce à sa mise en scène audacieuse qui renvoie par moments à The Shining de Kubrick, avec cette immense et froide résidence aux nombreuses restrictions où les fantômes du passé rencontrent les frustrations d’aujourd’hui. On peut lui reprocher d’insister sur certains symboles ou parallèles (Anne Boleyn par exemple) mais il n’en demeure pas moins qu’il a réussi avec ce beau film à bien faire sentir l'angoisse insupportable d'une femme enfermée dans une cage dorée et son chemin intérieur qui l'a conduite à se libérer elle-même. Une angoisse accentuée par le magnétisme et l'expressivité de Kristen Stewart qui se reflète dans les scènes avec ses deux enfants, le véritable noyau émotionnel de ce projet original qui illustre bien ce contraste entre la rigidité de la maison royale et le progressisme de (Lady) Diana Spencer.
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