1 avril 2022

★★★½ | Le genou d'Ahed / Ahed's Knee (Ha'berech)

Réalisation Nadav Lapid | Dans les salles du Québec le 1er avril 2022 (Cinéma Du Parc)
Une route pluvieuse, une motocyclette file à toute vitesse. Sous le casque, une jeune femme qui se rend à une audition pour interpréter le rôle d’Ahed, adolescente qui a osé défier les forces armées israéliennes.
Le genou d'Ahed nous donne l'impression d'explorer une proposition déjà vue maintes fois au cinéma. Celle du film dans le film et du créateur qui doit lutter contre les conditions difficiles afin de créer une œuvre à la hauteur de ses ambitions. Nadav Lapid détourne rapidement et habilement les attentes en livrant une chronique incisive sur la relation entre l'artiste et l'État. À travers l'apparent cynisme du personnage d'un réalisateur invité à présenter l'un de ses films dans une petite ville, Lapid propose une exploration des liens que l'on entretient avec l'art (en tant que public ou créateur). Peut-on simplement consommer ou concevoir une œuvre dans le but d'échapper au réel ? Peut-on vraiment échapper au réel ou espérer le transformer à travers l’acte de création.
Ce combat entre réalité et fiction est soutenu par le combat interne du personnage principal lorsqu'on lui impose de choisir dans une liste de sujets à aborder lors de la discussion qui aura lieu après la projection de son film. C’est à l’extérieur de la salle de projection (le réalisateur déteste voir ses films) qu’on découvre l’étendue la complexité des effets de l'État sur sa population.
Sans jamais être lourd ou moralisateur, le film inscrit de manière presque ludique un tendre plaidoyer sur la nécessité de la création artistique et plus encore, de sa capacité à rejoindre tout type de public. La trame musicale, l’interprétation captivante de l’ensemble des comédiens, la structure narrative éclatée ainsi que les mouvements de caméra dynamique nous démontrent la maîtrise de la mise en scène.
Le genou d'Ahed est une œuvre saisissante qui ne cherche pas à imposer de vérité si ce n'est que l’acte de création est un risque qui ne devra pas reposer sur la répétition de schémas préétablis.
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