15 avril 2022

★★★★ | Les Olympiades

Réalisation: Jacques Audiard | Dans les salles du Québec le 15 avril 2022 (MK2 | MILE END)

Les liens entre le cinéma de Jacques Audiard et le cinéma de genre sont indéniables depuis ses débuts. Avec Les Olympiades, le cinéaste donne dans un premier temps l’impression de s’en éloigner pour aller vers un cinéma d’auteur plus classique.
Ce qui frappe d’emblée également, ce sont ses acteurs, inconnus ou peu connus (la « vedette » du film est Noémie Merlant), qui parviennent à incarner leurs personnages en quelques secondes avant de, progressivement, les rendre plus complexes, plus imparfaits… donc plus humains. Il faut reconnaître qu’ils sont aidés par la mise en scène d’Audiard, qui semble les aimer plus que tout et qui les sublime à merveille. Soulignons aussi le travail d’écriture qui a su engendrer ces trois (puis quatre) personnages attachants malgré leurs failles. Cependant, le scénario n’est pas a priori irréprochable, en raison de certaines facilités qui flirtent un peu trop avec le cliché (le portrait de la provinciale qui débarque de province, pour ne citer que le plus flagrant). De plus, le film donne régulièrement l’impression qu’Audiard nous propose la description d'une génération qu’il peine à comprendre vraiment.
Mais paradoxalement, ce qui pourrait ressembler à des points faibles se transforme petit à petit en force. Au fur et à mesure, ces éléments finissent en effet par créer une certaine distance avec le réel, une sorte de décalage permanent, renforcé par le noir et blanc, qui donne au film un aspect presque intemporel malgré des thèmes très contemporains (l'importance des médias sociaux par exemple). La force du film est d'assumer cette logique du décalage et d’en tirer profit en lui donnant un ton particulier, presque irréel, qui engendre à la fois un sentiment de légèreté et de désabusement constant, de gravité et d'humour. Finalement, Audiard, en s’éloignant du réel, en désancrant partiellement son film de son époque, en dépeignant des personnages multi-facettes, trouve un chemin indirect mais très efficace pour restituer l’essence de ce qui fait nos vies. Et finalement, contrairement aux apparences des débuts, il reste fidèle à lui-même, c’est-à-dire à son amour pour le cinéma de genre. À sa manière, ce sont bien les codes de la comédie romantique qu’il reprend ici, d’une manière aussi touchante qu’inhabituelle. Par ces personnages, par son décalage permanent, par son faux désespoir qui conduit finalement au bonheur, Les Olympiades nous surprend, nous enchante, nous marque profondément.
SHARE