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6 octobre 2023

★★½ | Testament

★★½ | Testament

Réalisation : Denys Arcand | Dans les salles du Québec le 6 octobre 2023 (TVA Films)

Si Testament avait été réalisé par n’importe qui d’autre que Denys Arcand, son réalisateur aurait probablement été lapidé en place publique, tant ses propos vont à l’encontre de la bien-pensance ambiante. Bien évidemment, la référence à la lapidation est peut-être excessive… mais on peut ici se le permettre. Le tout nouvel Arcand ne fait en effet pas dans la demi-mesure, et sa charge antiwoke possède la finesse d’un tir de lance-flamme. Les premières minutes sont à ce titre consternantes de bêtise. Nous vous épargnerons les blagues dignes de celles d’un mononc’ en fin de soirée… mais il est difficile de rire à ce premier quart d'heure, probablement car nous n’appartenons pas à la catégorie des vieux cons réacs auxquels le film s’adresse à l’évidence. Et pourtant, au fur et à mesure que le film avance, il se passe de belles petites choses entre Rémy Girard et Sophie Lorain, les visites de Marie-Mai (en madone aux allures de putain, à moins que ce ne soit l'inverse) sont touchantes, quelques instants/idées subreptices font mouche et nous rappellent que Denys Arcand n’est pas devenu ce qu’il est pour rien. Mais tout ceci est bien peu. Nous aurions préféré une charge contre les excès du wokisme plus constructive dans sa critique, et non ce jeu de massacre qui oppose deux camps irréconciliables, qui, pour faire aussi simpliste que le film, se résume à l’opposition entre les vieux cons et les jeunes cons.
Ce constat d’une société clivée pourrait être un triste et pertinent constat sur notre société qui n'aime à l'évidence pas la voie de la pondération, mais le fait qu’Arcand choisisse si grossièrement son camp désamorce cette possibilité. Pourtant, presque in extremis, le cinéaste nous livre un message d’amour et d’apaisement qui pourrait passer pour de la mièvrerie. Mais cette dernière provocation a presque quelque chose de touchant. Elle permet surtout au film d’éviter le naufrage. Car si Arcand n’est à l'évidence plus le bon cinéaste qu’il a été, ce film aura au moins le mérite de ne pas être aussi pitoyable que ses œuvres les plus récentes. (Il faut dire que, faire pire que Le règne de la beauté  ne doit pas être chose facile !)

29 septembre 2023

Les jours

Les jours

Réalisation: Geneviève Dulude-De Celles | Au Québec le 29 septembre 2023 (Maison 4:3)
Je ne rédigerai pas de critique du film Les jours, parce que son sujet est le genre de sujet inattaquable, et que je n’aurais donc pas grand-chose à dire si je devais m’abstenir de l’attaquer. Certes, ce qui est arrivé à la jeune femme au centre de ce documentaire est terrible : la découverte d’un cancer du sein avant même d’avoir 30 ans. Son traitement a été lourd, les effets secondaires traumatisants, le soutien de la famille sans bornes… tout ceci est vrai. Mais nous ne pouvons nous empêcher de nous questionner sur les choix de Geneviève Dulude-De Celles (qui nous avait notamment offert les jolis Bienvenue à F.L. et Une colonie). Nous avons en effet toujours le sentiment que la cinéaste était trop intimidée par son sujet pour donner une orientation discrète mais nécessaire à son film.
Pour être en accord avec la première ligne de ce texte, je n’écrirai pas de critique, mais me contenterai de dire que Les jours est à peu près tout ce que le magnifique Over My Dead Body n’était pas. Le film de Poupart était un vrai film de cinéma qui abordait une multitude de sujets, traités avec une force rare. Nous ne sommes pas non plus chez Sébastien Lifshitz, qui aurait choisi un autre traitement... ni chez tel ou tel (la liste pourrait être longue). Mais arrêtons d'imaginer ce qu'aurait pu être le film si... et contentons-nous d'un constat: Les jours est le témoignage très respectable d’une femme tout aussi respectable confrontée à un événement douloureux. Il est important de libérer la parole à propos de certains sujets, mais un témoignage seul, sans le travail d'un cinéaste pour le sublimer, est-il suffisant pour constituer un film ? On voit maintenant des milliers de témoignages sur les médias sociaux, parfois à propos d’événements ou de situations encore plus traumatisants. Ils sont parfois poignants. Ce ne sont pas des films pour autant.

22 septembre 2023

★★¼ | Simple comme Sylvain

★★¼ | Simple comme Sylvain

Réalisation : Monia Chokri | Dans les salles du Québec le 22 septembre 2023 (Immina Films)
Pour son troisième long métrage, l’actrice et réalisatrice québécoise Monia Chokri aborde le sujet de l’amour et des relations humaines et amoureuses avec la comédie romantique Simple comme Sylvain. Moins stylisé que ces deux précédentes réalisations, mais joliment mis en images par le vétéran André Turpin, il y a un je-ne-sais-quoi d’agaçant dans sa conception qui nous empêche de nous investir émotionnellement dans cette idylle entre une professeure de philosophie pour les aînés et un entrepreneur indépendant des Laurentides. Cette rencontre nourrie d’espoir et de changements donne lieu à un éventuel conflit de valeurs et de culture qui malheureusement ne dépasse jamais le stade du déséquilibre de pouvoir et de savoir.
Pourtant, la chimie passe bien au début entre une Magalie Lépine-Blondeau, plus sensible, et Pierre-Yves Cardinal, moins bien cerné car son personnage ne dépasse guère le stade de la caricature du gars des bois qui s’expriment mal, mais qui a le cœur à la bonne place. Dès que la première dispute survient, une scène plutôt maladroite qui sonne terriblement faux, le film dérape pour ne jamais retrouver le droit chemin. Si certains dialogues font mouche, d’autres sont plaqués dans la bouche de personnages secondaires qui ne semblent exister que pour meubler et nourrir les divers enjeux moraux et culturels. Le mariage entre la comédie romantique et la réflexion sur le concept d’amour à travers divers philosophes célèbres cités à coups d’exemples dans le cours de philosophie que donne la protagoniste se révèle vain.
Jamais cette bluette d’amour ne parvient à s’élever au-dessus d’une banale histoire de coup de foudre pour une femme à la croisée des chemins. Mais comme tout bon coup de foudre, le plaisir du visionnement est aussi éphémère et s’estompe le temps de le dire.

15 septembre 2023

★★★ | Solo

★★★ | Solo

Réalisation : Sophie Dupuis | Dans les salles du Québec le 15 septembre 2023 (Axia Films)
Après un premier film plein de promesses (Chien de garde) et un second tout en déception (Souterrain), Sophie Dupuis revient en mettant la balle au centre, nous rassurant un peu sans non plus être à la hauteur de nos premières attentes.
Parmi les points positifs, soulignons son amour palpable pour les gens de la nuit, sa sensibilité pour les filmer et sa capacité à recréer des ambiances (aidé par le toujours talentueux Mathieu Laverdière à la photo). Certains de ses personnages sont très attachants et parfaitement incarnés, comme la plupart des artistes transformistes du cabaret (avec en tête, le héros interprété par un toujours juste Théodore Pellerin), mais également la sœur du héros (une Alice Moreault tout en amour) et sa mère biologique (une Anne-Marie Cadieux impressionnante dans ce rôle de mère qui peine à transmettre son amour).
Soulignons aussi le traitement global du thème central (les relations amoureuses toxiques), abordé avec une belle universalité, et qui évite ainsi certains écueils liés au cadre narratif.
Mais… à côté de ces éléments, nous devons admettre que certaines faiblesses ne permettent pas au film de décoller. La première consiste au choix de l’amoureux du héros. Non qu’il soit mauvais, Félix Maritaud doit incarner un personnage dont nous voyons trop vite le caractère manipulateur. Il est l’incarnation de certaines faiblesses d’une écriture qui manque de finesse et laisse trop apparaître ses grosses ficelles psychologico-narratives dans la manière de traiter une liste de sujets qui ressemble à un véritable cahier des charges.
Mais qu’importe, le film transmet assez d’espoir pour nous donner envie de continuer à suivre le cinéma de Sophie Dupuis, mais également pour nous donner envie de conseiller le visionnement de Solo.

8 septembre 2023

★★★ | Irlande cahier bleu

★★★ | Irlande cahier bleu

Réalisation: Olivier Godin | Dans les salles du Québec le 8 septembre 2023
Présenté en première mondiale lors du récent Festival international de films Fantasia où il a remporté le prix décerné par l’AQCC pour le meilleur film de la section caméra Lucida, Irlande cahier bleu débarque sur nos écrans avec de bons échos. Ce nouvel essai du prolifique cinéaste indépendant québécois Olivier Godin est son dix-huitième films (son sixième long) depuis ses débuts en 2008. Bon an mal an, le Godin continue son exploration cinématographique avec le style distinctif qu’on lui connaît, et nous propose cette fois un conte surréaliste mettant en vedette les aventures d’un pompier poète et joueur de basket amateur (Emery Habwineza qui reprend ici son rôle de Ducarmel du film Il n’y a pas de faux métier) qui rêve de basket, de gloire et d’amour.
Tourné en 16mm avec un budget limité, Godin, à défaut de se réinventer, propose à nouveau un essai poético-drôle en forme de conte fantaisiste, avec une touche de surréalisme. On retrouve la verve de ses dialogues incongrus et farfelus, son sens de la poésie et son approche narrative non conventionnelle qui est non sans rappeler le cinéma de Quentin Dupieux, à une échelle beaucoup plus minimaliste bien évidemment.
Il y a beaucoup à aimer dans ce film, comme cette exploration de thèmes philosophiques et la recherche de façon insolite et hors du commun d’une quête existentielle, ainsi que cette manière libre et économe de filmer et monter son film. La présence de fidèles collaborateurs (Étienne Pilon et Ève Duranceau devant l’écran) et Renaud Desprès-Larose à la direction photo sont des plus-values à la méthode Godin. En revanche, il faut admettre que le film ne dépasse guère le stade de l’exercice de style, ludique certes et parfois brillant, mais qui peine toutefois à sortir de son enrobage et rouage créatif.