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20 octobre 2022

★★★★ | Décision de partir / Decision to Leave (헤어질 결심)

★★★★ | Décision de partir / Decision to Leave (헤어질 결심)

Réalisation : Park Chan-wook| Dans les salles du Québec le 21 octobre 2022 (Métropole)
Depuis sa célèbre trilogie sur le thème de la vengeance au début du siècle, chaque nouveau film de Park Chan-wook constitue une forme d’événement pour les cinéphiles. Récompensé par le prix de la mise en scène à Cannes en mai dernier, Décision de partir arrive six ans après son sulfureux et excellent thriller érotico-historique Mademoiselle. Changeant à nouveau de registre, ce suspense à énigme policière est une occasion pour le réalisateur de Oldboy de s’illustrer avec une mise en scène d’une rare précision où le travail phénoménal de la caméra donne le ton à chaque scène. Avec ce jeu de miroirs et de réflexions où les mouvements de caméra révèlent une piste bien cachée, le Sud-coréen s’amuse avec ce (faux) polar sentimental à mélanger les genres et à changer de tonalité en faisant basculer son intrigue principale dans une atmosphère immersive et mystérieuse. La relation d’amour platonique qui se tisse entre le policier marié et philanthrope et la jeune veuve suspecte emboîte le pas sur l'intrigue policière et la fait chavirer vers un drame intrigant et passionnant où le désir et la persécution se côtoient à merveille. Les scènes d’exposition plus lentes du départ se succèdent à un rythme plus rapide alors que l'ambiance recherchée reste constante et ne perd pas de son pouvoir hypnotique jusqu’au dénouement final.
S’il se montre moins intense ou violent que par le passé, Park troque la violence choquante de ses premiers films vers un condensé plus romancé et lyrique. La structure de l'intrigue, les soupçons et l'inversion choquante des hypothèses au dernier moment forment le grillage sur lequel Park plante les fleurs de son imagination. S’ensuivent diverses sous-intrigues secondaires plus ou moins délirantes ou alambiquées qui conduisent à des poursuites, d’inévitables coups de théâtre et où l’humour trouve sa place sous forme de slapstick déroutant (l’hilarante scène du vol de tortues dangereuses).
Ainsi, malgré sa durée un peu longue, Décision de partir offre une véritable leçon de mise en scène avec cet habile et brillant thriller hitchcockien qui s’impose à la fois comme une œuvre fataliste éthérée et férocement mélancolique.

16 septembre 2022

★★★½ | Incroyable mais vrai

★★★½ | Incroyable mais vrai

Réalisateur: Quentin Dupieux | Le16 septembre 2022 en exclusivité québécoise au Cinéma public
Après Mandibules et en attendant Fumer fait tousser, le prolifique artiste multidisciplinaire Quentin Dupieux continue d’alterner entre la musique électronique (sous le pseudonyme Mr. Oizo) et le cinéma avec des films aussi originaux que singuliers. Des films qui baignent dans un univers surréaliste à l’humour aussi cocasse que décalé. C’est le cas de Incroyable mais vrai qui s’inscrit parfaitement dans cette lignée où Dupieux s’amuse encore à nous surprendre et arrive à se renouveler sans se répéter. À partir d’un canevas assez simple mais hilarant — un couple décide d’investir dans une maison où un conduit vient littéralement bouleverser leur mode de vie et leur espace-temps — , Dupieux joue avec la notion de voyage dans le temps. A priori nonsensique, le canevas de départ prend tout son sens dans une deuxième partie où une réflexion sur le vieillissement et le temps qui passe apparaît petit à petit. Un deuxième acte où le sérieux côtoie avec un bonheur égal une prémisse moins absurde qu’elle en a l’air et qui devient progressivement un drame bourgeois réfléchi.
Alors qu’il retrouve Alain Chabat huit ans après Réalité, la révélation du film est la présence hilarante de Benoît Magimel — dans le rôle d’un ami féru de voitures et d’électronique — qui possède un don pour la comédie qu’on ne soupçonnait guère. On ne se lasse pas de ses nombreuses mésaventures en lien avec son nouveau pénis électronique ! Sans la touche magique de Dupieux, tout cela pourrait sombrer rapidement dans le nanar ridicule. Mais le cinéaste possède cette maîtrise de l’humour décalé et cette capacité à redresser son univers avant qu’il ne sombre dans le n’importe quoi grotesque. C’est grâce à cette volonté et ce vent de liberté autant dans la forme (les couleurs éclatées) que dans le fond qu’on est en présence d’un drame existentiel fantaisiste, un brin abracadabrant, mais empreint d’une profonde mélancolie. Comme quoi il faut bien s’amuser pour arriver à mieux réfléchir.

5 août 2022

★★¾ | Avec amour et acharnement

★★¾ | Avec amour et acharnement

Réalisation: Claire Denis | Dans les salles du Québec le 5 août 2022 (Cinéma du Parc)

Récompensé par l'Ours d'argent de la meilleure réalisatrice au Festival de Berlin de 2022, Avec amour et acharnement est la troisième collaboration entre la réalisatrice Claire Denis et la romancière et dramaturge française polémique Christine Angot. Après Voilà l’enchantement (court métrage de 2014) et Un beau soleil intérieur, ce nouveau long métrage est l’adaptation du roman Un tournant de la vie de Angot, en collaboration avec Denis. Il s’agit d’un drame sentimental à propos d’un couple, Jean et Sara, qui s’aime profondément (Vincent Lindon et Juliette Binoche, au sommet de leur art) jusqu’au jour où François (Grégoire Colin) l’ancien amant de Sara et ami de Jean refait surface dans leur vie.
Même s'il y a une volonté d'éviter certains clichés liés au sempiternel triangle amoureux en y ajoutant notamment une part de mystère par la présence de Grégoire Colin  acteur fétiche de la cinéaste  en séducteur mystérieux et toujours aussi énigmatique, on demeure pourtant en terrain connu et aucun des personnages s’avère attachant. Chacun se présentant tour à tour comme un bourreau ou une victime de telle sorte que la froideur qui se dégage annihile le sentiment d’attachement pour ces personnages. Les tirades où l’on aborde de façon excessive l’adultère, la possession et la jalousie maladive rendent un brin mal à l’aise et inconfortable avec notamment des dialogues littéraires à la limite du risible, qui sonnent parfois faux aux oreilles.
Si le scénario déçoit, il faut reconnaître le talent indéniable de Denis à la réalisation. Il y a chez elle cette habileté à montrer les corps avec une caméra les cadrant de très près et en les collant presque à l’action. Dans ses meilleurs films (Beau Travail, White Material), sa forme s’accorde harmonieusement et de manière perceptible à une économie de mots qui évoque la souffrance des personnages. Ici, on est dans le démonstratif où certes les acteurs brillent, mais où l’émotion reste en plan. Et c’est dommage, car la scène d’ouverture est une des plus belles de tout le cinéma de Denis.

22 juillet 2022

★ | Nope (Ben non)

★ | Nope (Ben non)

Réalisation : Jordan Peele | Dans les salles du Québec le 22 juillet 2022 (Sony)
Après deux gros succès publics (Get Out et Us), le surestimé Jordan Peele accouche de son projet le plus ambitieux à date avec Nope, son troisième long métrage. Un des projets au secret le mieux gardé jusqu’à ce jour, ce mélange d’horreur et de science-fiction se veut un blockbuster estival conceptuel. En s’inspirant notamment des deux chefs-d’œuvre de Spielberg des années 1970 (Jaws et Close Encounters of the Third Kind) mais aussi de l’univers marqué de certains films de M. Night Shyamalan (Signs et The Happening), Nope est tout sauf une réussite. On frôle la catastrophe tant l’exécution est si fade et trompeuse qu’on se ramasse rapidement devant un bordel confus et une œuvre profondément auto-indulgente.
C’est comme si Peele s’était assuré d’avoir le plein contrôle sur cette production plus luxueuse que ses précédentes mais qu’il s’était carrément perdu dans ses propres dédales, sa vision artistique n’ayant d’égal que son ego surdimensionné. Certes, il y a l’installation d’un climat mystérieux au départ, mais ensuite plus rien. Pire, l’intrigue fourmille d’idées plus confuses les unes que les autres s’emboîtant sous forme de chapitres qui ne font que meubler temporairement et retarder l’éventuel dernier acte plus mouvementé, mais peu captivant et aucunement énergique. De plus, les personnages campés par une bonne distribution sont fades et les liens qui se tissent entre eux sont artificiels et mal agencés. Même l’humour des précédents films de Peele est ici éphémère et tombe souvent à plat. Au final, malgré un emballage visuel assez soigné, on est confronté à un ovni singulier, mais totalement désarticulé. Un porte-à-faux désordonné, prétentieux et peu palpitant. Ne croyez pas au battage médiatique, et revoyez les classiques de Spielberg à la place... ne serait-ce que pour le plaisir de regarder une vraie superproduction aussi intelligente qu’excitante.

24 juin 2022

★★¼ | The Black Phone (Le téléphone noir)

★★¼ | The Black Phone (Le téléphone noir)

Réalisation : Scott Derrickson| Dans les salles du Québec le 24 juin 2022 (Universal)

Après un passage chez Marvel (Doctor Strange et ayant abandonné sa suite parue il y a quelques semaines pour divergences artistiques), le réalisateur Scott Derrickson (Sinister) renoue avec l’horreur et aux productions plus modestes de Blumhouse avec The Black Phone. Adapté d’une courte nouvelle de Joe Hill (le fils de Stephen King), ce suspense offre un mélange de surnaturel et d’horreur plus classique parfaitement calibré pour plaire aux admirateurs de film d’horreur moderne. À ce sujet, on y retrouve de la nostalgie (l’action se déroule à la fin des années 1970), une reconstitution historique simple mais réussie, de bons jeunes comédiens et un esprit de camaraderie similaire à celle de la populaire série Stranger Things.
En revanche, ce qu’il manque à ce huis clos est l’élément de surprise. Les morceaux de l’intrigue s’emboîtent de façon soignée mais mécanique et la tension meurt rapidement dans l’œuf. Aussitôt le huis clos installé, la répétition des événements qui s’ensuivent donne dans la redite avec effets chocs propres au genre, de telle sorte qu’on décroche même si le téléphone noir continue de sonner à maintes reprises. Le reste n’est que du menu fretin à une intrigue convenue piétinante et chiche en éléments de surprises. De plus, le montage alterné final qui renvoie à un classique du genre et utilisé à maintes reprises dans des œuvres beaucoup moins réussies que son modèle de base (comme celle-ci), ne fait qu’infirmer le manque d’originalité des créateurs. Au final, malgré les qualités techniques et une trame sonore très atmosphérique à la Tangerine Dream du Canadien Mark Korven (The Lighthouse), on est loin d’un futur classique du genre qui passera à l’histoire.