Réalisé par Loïc Darses | Dans les salles du Québec le 12 mars 2019 (ONF) |
Vu dans le cadre des RVQC 2019
Après avoir fait une entrée remarquée dans le milieu du cinéma québécois avec le court métrage elle pis son char, Loïc Darses signe avec La fin des terres un premier long métrage qui avait l’honneur de faire la clôture des derniers RVQC.
D’emblée, au-delà de son intérêt pour des sujets de société forts, Darses confirme son intérêt pour la forme cinématographique. Sa proposition est ici ambitieuse: s’il laisse la parole à plusieurs jeunes afin qu’ils expriment leurs visions du Québec actuel, il ne les montre jamais, préférant laisser déambuler lentement sa caméra dans des paysages, urbains ou naturels, en lien plus ou moins direct avec les sujets évoqués. Lorsque le procédé commence à s'essouffler, Darses témoigne de son sens du rythme en lui redonnant un nouveau souffle: toujours en phase avec les propos, l’image se brouille de plus en plus, pour devenir abstraite, avant de revenir ensuite plus apaisée.
La maîtrise de Darses n’est pas la seule force du film. Alors qu’il parle du Québec, il donne la parole à une diversité souvent oubliée dans le cinéma québécois (certaines personnes ont des origines anglophones ou amérindiennes, d’autres trouvent leurs origines au-delà du Canada). Cependant, cette ouverture à l’autre est contrebalancée par une faiblesse qu’il est difficile de passer sous silence pour un film qui semble vouloir faire le portrait de son époque. Contrairement à ce que faisait Matthieu Bareyre dans l’excellent documentaire français justement intitulé L’époque (présenté à Locarno l’an dernier, malheureusement toujours inédit au Québec), Darses semble ne pas s’intéresser à l’ensemble de la jeunesse québécoise, mais seulement aux plus lettrés. Si on apprécie que le réalisateur donne la parole à ceux qui viennent d'ailleurs, on regrette qu’il ne la donne pas aux exclus ou aux oubliés du système éducatif... c'est à dire justement à ceux qu'on entend rarement.
Ce choix, qui permet au film d’être plus agréable (de jeunes personnes intelligentes qui ont tout compris sur tout s’expriment sur de belles images filmées par un jeune homme talentueux) lui nuit un peu sur le plan idéologique… Mais lorsqu’on voit à quel point Darses maîtrise son sujet, on se dit que ce choix est probablement assumé. Tant pis pour nous! Surtout, cela n’enlève rien aux promesses que fait naître ce cinéaste que nous avons hâte de continuer à voir grandir dans nos salles de cinéma.