18 juillet 2018

Fantasia 2018 | ★★½ | Satan’s Slaves (Pengabdi Setan)

Fantasia 2018 | ★★½ | Satan’s Slaves (Pengabdi Setan)

Réalisé par Joko Anwar
Une introduction réussie nous permet de découvrir une famille affligée émotionnellement et financièrement par la longue maladie de sa matriarche, une ancienne chanteuse populaire. Hanté par sa musique qui parcourt la maison, chacun des membres de la famille essaie de surmonter son deuil... et Joko Anwar (The Forbidden Door) plonge habilement le spectateur dans un univers troublant à la limite de la terreur. 
Pourtant, malgré ce point de départ réussi et le jeu nuancé des acteurs, Satan’s Slaves ne livre pas les promesses du début. Le scénario dévoile en effet trop de détails qui au final alourdissent l’ensemble. Pour sa part, la mise en scène aurait vivement gagné à jouer sur ses tensions au lieu de tenter de les accentuer avec des effets sonores ou un montage révélateur.
La finale intrigante a le mérite de ne pas trop en dire, mais c’est malheureusement trop peu et trop tard. Malgré quelques qualités en début et en fin de métrage, Satan’s Slaves en laissera plus d’un perplexe.
★★ | Don't Worry, He Won't Get Far on Foot (Pas de panique, il n'ira pas loin à pied)

★★ | Don't Worry, He Won't Get Far on Foot (Pas de panique, il n'ira pas loin à pied)

Réalisé par Gus Van Sant | Dans les salles du Québec le 20 juillet 2018 (Entract Films)
Gus Van Sant a mis plus de vingt ans pour lancer ce projet de film sur la vie du dessinateur handicapé John Callahan. Non ne saurons jamais à quoi aurait ressemblé le film s’il avait été réalisé plus tôt (nous savons juste que Robin Williams souhaitait le produire et l'interpréter), mais en le visionnant, nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’il aurait difficilement pu être moins bon. Décidément, la carrière cinématographique de Gus Van Sant semble derrière lui (pour l’instant… pourvu que ça ne dure plus trop longtemps), et l’excellent Paranoid Park commence à dater.
Le réalisateur prend de moins en moins de risques, et son biopic / hommage semble faire tous les efforts du monde pour ne pas déranger, être bien lisse et sans aspérités… et finalement être très éloigné du dessinateur à qui il rend hommage, adepte d’un humour très noir et politiquement plus qu’incorrect. Van Sant cherche avant tout à mettre son personnage sur un piédestal. Du looser alcoolique des débuts, il devient progressivement, après une phase plus difficile au début de son handicap, une figure exemplaire, rédempteur intégral, petit ami trop parfait… et personnage finalement bien insipide.
Il n’y a évidemment rien de mal à vouloir honorer la mémoire d’un homme à qui la vie n’a pas fait de cadeaux (abandonné par sa mère, victime d’un grave accident qui le laisse paralysé, mais trouvant la force de gagner sa lutte contre l’alcoolisme et de devenir un dessinateur à succès), mais l’approche clairement hagiographique de Van Sant semble si peu coller à l’esprit de provocation de Callahan qu’elle en devient non seulement ridicule, contre productive, mais également presque indécente.
Reconnaissons toutefois des qualités qui permettent au film d’éviter de sombrer totalement. Van Sant ne tombe jamais dans le piège de la facilité de la tentation lacrymale. De plus, il est servi par d’excellent acteurs (mentions spéciales pour Joaquin Phoenix, qui compense comme il peu l’absence de finesse du scénario, et pour Jonah Hill, dont la prestation contribue aussi à limiter le naufrage).
Cependant, s’il n’était pas signé par un cinéaste qui fut jadis digne d’intérêt, ce film serait déjà oublié. Sur un sujet proche (suite à un accident dont il est en partie responsable, un homme devient handicapé mais trouve un sens à sa vie grâce à la création), nous avons même envie de conseiller un autre film, certes imparfait, mais qui donne vie à des personnages beaucoup plus incarnés et convaincants: Patients.
Quand on conseille un film signé Grand Corps Malade au détriment d’un film de Gus Van Sant, on se dit qu’il y a comme un petit problème!

6 juillet 2018

Fantasia 2018 | Les 6 films qui nous font le plus envie

Fantasia 2018 | Les 6 films qui nous font le plus envie

Mandy | Under the Silver Lake
Satan’s Slave | Tokyo Vampire Hotel 
Madeline's Madeline | Blue My Mind
Cette année encore, l’Université Concordia va devenir pendant trois semaines le lieu de prédilection des amateurs de cinéma de genre… et de cinéma en général.
Comme tous les ans, nous y verrons très probablement des nanars volontairement débiles, des films fauchés inventifs, des films indépendants prétentieux et quelques bonnes surprises, déceptions, confirmations, hectolitres de sang, psychopathes inquiétants, victimes apeurées et adolescents tourmentés.
Comme tous les ans, le choix de films à voir sera difficile à faire car certains petits bijoux ne ressembleront à rien sur le papier, alors qu’au contraire, des films très attendus ne seront que pétards mouillés. C’est justement ce qui fait le charme de ce festival, qui pousse le cinéphile à la boulimie, seul moyen pour lui de faire de véritables découvertes et de ne pas passer à côté de bons films qu’il n’aura peut-être plus jamais l’occasion de voir en salle.
Après avoir écrit cela, il semble évident qu’une liste de films attendus n’est pas gage de qualité… mais comme tous les ans, nous continuons à jouer à ce petit jeu.

Parmi les films que nous ne manquerons sous aucun prétexte cette année, figurent deux films de cinéastes que nous connaissons encore peu, mais qui ont tout pour devenir des cinéastes majeurs. Nous verrons si leurs derniers films confirment nos attentes:

• Mandy | Beyond the Black Rainbow, premier long métrage réalisé par Panos Cosmatos est probablement une des plus jouissives expériences cinéphiles offerte par Fantasia depuis une dizaine d’années. Son second film, précédé d’une réputation critique élogieuse et servi par un Nicolas Cage capable du pire comme du meilleur, ne pouvait que nous faire saliver à l’avance.

• Under the Silver Lake | David Robert Mitchell nous a offert un premier film malheureusement méconnu qui lui a permis de donner sa version toute personnelle du film pour adolescents (The Myth of the American Sleepover), avant d’impressionner avec un film d’horreur de très haut calibre (It Follows). La réception cannoise de son dernier Under the Silver Lake a certes été plutôt tiède, mais qu’importe. Nous ne manquerons sous aucun prétexte son troisième film.

Parmi les fidèles du festival, notre préféré est probablement Sion Sono, une nouvelle fois présent avec la version film d’une série télé:

• Tokyo Vampire Hotel | Sion Sono a lui aussi offert à Fantasia de nombreux bons films ces dernières années, dont une pure merveille (Tag). Son petit dernier est la version courte d’une série télé, vue par notre collègue Olivier Bouchard qui lui reprochait quelques longueurs. La nouvelle version, trois fois moins longue, gagnera-t-elle en qualité? Réponse très bientôt.

Une des grandes forces de Fantasia est de nous faire découvrir de nouveau noms ou de nouveaux univers:

• Blue My Mind | Un Fantasia sans bon film sur l’adolescence n’en est pas vraiment un. (Citons au hasard Turn Me On, Goddammit!, Han Gong-ju ou Teenage Cocktail.) Cette année, nous serons à nouveau attentifs à ce sujet, et particulièrement au premier film d’une cinéaste suisse (Lisa Brühlmann), qui s’est déjà fait grandement remarquer dans son pays.

• Madeline's Madeline | Deux films de Josephine Decker ont déjà été présentés à Fantasia (Thou Wast Mild and Lovely et Butter on the Latch), mais l’auteur de ces lignes, confus et penaud, doit admettre en rougissant de honte ne pas les avoir vus. Si c’est aussi votre cas, voici l’occasion de vous rattraper avec son troisième long métrage de fiction, qui a jusqu’ici reçu un très bel accueil critique.

Et parce que Fantasia ne serait pas Fantasia sans film d’horreur pur et dur, allons en Indonésie avec un des gros succès du cinéma local:

• Satan’s Slave | Amateurs de films de maisons hantées, ce film de Joko Anwar est fait pour vous... du moins, nous l'espérons!

Comme nous l'avons précisé plus haut, le secret d’une expérience réussie à Fantasia est de voir le plus de films possible pour essayer de dégoter les petites pépites de la programmation. En plus des six films cités, nous serons donc particulièrement attentifs à The Vanished, Laplace's Witch, Piercing, Searching ou La Nuit a dévoré le monde… pour ne citer qu’eux.
Durant la durée du festival, Pascal Grenier nous livrera un petit compte rendu hebdomadaire de ses découvertes (ou déceptions). Miryam Charles et moi aurons en charge la rédaction des critiques des six films définis plus haut comme étant les plus attendus. Il ne nous reste qu’à espérer avoir fait les bons choix!
À suivre...

2 juillet 2018

★★ | Ant-Man and The Wasp (Ant-Man et la Guêpe)

★★ | Ant-Man and The Wasp (Ant-Man et la Guêpe)

Réalisé par Peyton Reed | Dans les salles du Québec le 6 juillet 2018 (Walt Disney) 
Où était Ant-Man pendant l'interminable destruction d'Avengers: Infinity War? C'est une des questions «fondamentales» que se posaient les fans de Marvel depuis quelques mois déjà. Ils auront enfin leur réponse... mais pas avant une des traditionnelles scènes cachées pendant le générique de fin. D'ici là, ils devront se farcir ce second tome tout à fait inutile de notre fourmi héroïque, qui fait suite à un premier volet déjà oublié.
La scène d'introduction alerte rapidement le spectateur. Un flashback aux effets spéciaux peu ragoûtants — rajeunir des acteurs célèbres à coup de CGI n'est jamais une bonne idée — annonce clairement les enjeux: Maman n'est peut-être pas morte et il faudra la secourir. Ce n'est pas tant l'idée de scénario rudimentaire qui saute aux yeux que la mise en scène utilisée. Ou plutôt son absence. La séquence est tellement laide visuellement qu'elle semble issue d'une série télé de bas étage. Le manque de cinéma est criant dans Ant-Man and The Wasp, surtout depuis que Edgar Wright a été chassé de l'original, remplacé par Peyton Reed (Yes Man) qui sévit à nouveau.
Cet aspect ne pèse toutefois pas lourd dans la balance de bien des admirateurs de l'univers cinématographique Marvel. Ce qu'ils veulent est de l'action, de l'humour et du divertissement. Trois éléments primordiaux qui sont réunis de façon microscopique au sein d'un récit chiche en sensations fortes. Le long métrage plat et linéaire distille un certain ennui, manque de rebondissements et n'intéresse jamais réellement. Une fois que surviennent les poursuites spectaculaires et effrénées de la fin, il est déjà trop tard, et l'espoir réside une nouvelle fois dans le prochain film Marvel — le 21e en l'occurrence!
Ant-Man est le plus léger, le plus insouciant personnage de Marvel et l'oeuvre lui rend bien. La seconde scène — peut-être la plus réussie — montre notre héros jouer à un jeu imaginaire avec sa fille. Ce sentiment d'appartenance à  l'enfance est rappelée à plusieurs reprises, au détour de brefs moments enjôleurs, comme celui où le protagoniste rapetissé doit sortir de l'école de sa jeunesse. De quoi sourire tendrement et de ne rien prendre au sérieux! Ce n'est pourtant pas une raison pour offrir une farce qui tombe trop souvent à plat, peuplé de gags hasardeux et de situations discutables, dont l'absence de logique fait sourciller. Tous les comédiens ont des niveaux de jeu différents, ce qui n'est rien pour aider. Paul Rudd fait du Paul Rudd, Michael Douglas fronce les sourcils, Michael Pena cabotine avec verve, Laurence Fishburne semble perdu et Michelle Pfeiffer n'apparaît pas suffisamment longtemps à l'écran pour exister réellement. On lui préfère nettement Hannah John-Kamen, parfaite en Ghost, dont le personnage damné n'est que clichés ambulants.
Après les peu digestes Solo: A Star Wars Story, Ocean's 8 et Jurassic World: Fallen Kingdom, Ant-Man and The Wasp confirme que les superproductions paresseuses sont là pour rester cet été. Heureusement qu'il y a eu Deadpool 2!
Ce nouvel Ant-Man, projet mineur censé alimenter la machine à dollars entre deux créations titanesques, est tellement quelconque qu'on voit bien mal comment un troisième épisode pourrait voir le jour. Même si plus rien ne nous surprendrait.

28 juin 2018

Juin 2018 selon Martin Gignac

Juin 2018 selon Martin Gignac

First Reformed (Paul Schrader)
Chaque mois, Cinefilic va revenir sur les films qui ont fait... le mois, justement. Une façon de conserver à jamais ces moments marquants, de ramener vers la lumière des images avant de les laisser s'engouffrer progressivement dans l'ombre, des salles de cinéma et de notre mémoire.

À la fin de juin, les RIDM+ présentaient The Dead Nation de Radu June (le western inclassable Aferim!, c'était de lui), un documentaire bouleversant sur la façon dont la Roumanie a traité la communauté juive pendant la Seconde Guerre mondiale. Uniquement composée de photographies oubliées et de la lecture d'un vieux journal intime, l'oeuvre marque au fer rouge, se déposant là où elle ne pourra jamais être oublié.

La première fois qu'on voit First Reformed, on est estomaqué par le retour en forme de Paul Schrader, ses emprunts à la Sainte Trinité  Bresson, Dreyer, Bergman  et les prestations de Ethan Hawke et Amanda Seyfried, les meilleures de leur carrière. La seconde fois, l'opus se dresse différemment, dans sa rigidité pure, sa rage intime, tel un Taxi Driver des temps modernes, d'où s'échappent au moins deux scènes qui feront à elles seules 2018.

Impossible de résister à Juliette Binoche, plus empreinte de magnificence que jamais dans Un beau soleil intérieur. Claire Denis ose la comédie avec mélancolie, enveloppant son héroïne dans un cocon de chaleur, feintant le cinéma populaire à coup de vedettes pour offrir une réflexion profonde sur l'amour. Puis il y a ce visage, ce corps tout entier, qui ravit allègrement.

Sans être sans faute, American Animals de Bart Layton propose une nouvelle façon de raconter une histoire, amenant les bases mêmes du documentaire dans un récit fictif. Le tout en demeurant pleinement cinématographique.

D'où vient cette rage envers le Rodin de Doillon? Pour une fois qu'on n'a pas affaire au biopic usuel... L'idée de création, enracinée dans la mise en scène même, offre un long métrage un peu âpre, certes, mais qui s'élève constamment vers le divin.

De l'autre côté, il y a l'encensement presque généralisé envers Hereditary, premier long métrage du très doué Ari Aster, qui se tourne vers les classiques horrifiques pour rappeler à quel point le mal peut gruger l'être humain de l'intérieur. Un récit efficace, démoniaque à ses heures, mais pas de quoi crier au génie non plus.

On ne l'attendant plus celui-là. Vu au FNC l'année dernière et perdant même les plus fervents admirateurs de Desplechin, Les fantômes d'Ismaël est un film somme, d'une richesse inouïe, qui brouille les pistes avec un malin plaisir. Joyce en aurait été fan, c'est certain.

L'émotion coule à flots dans Hearts Beat Loud, le solide effort classique de Brett Haley, qui rend hommage à la musique et aux rêves d'hier par l'entremise d'une touchante relation père fille entre Nick Offerman, le nounours bourru et Kiersey Clemons, qui véhicule toutes les émotions d'un seul regard. Cela fait longtemps qu'on ne s'est pas senti aussi bien devant une vue.

Hormis The Day He Arrives, aucun film de Hong Sang-soo n'a bénéficié d'une présentation régulière en sol québécois. Une véritable honte pour un des plus grands cinéastes contemporains. Sorti directement en DVD et en Blu-ray dans une élégante édition américaine, On the Beach at Night Alone se révèle une de ses plus belles réussites, plus sombre qu'à l'accoutumée. Sa musique habituelle est sublimée par la présence de son amoureuse Kim Min-hee (Mademoiselle). Vivement une rétrospective à la Cinémathèque québécoise!
★★★★ | Gina

★★★★ | Gina

Réalisé par Denys Arcand (1975)
En 1970, Denys Arcand tourne On est au coton. Ce documentaire important qui traite des conditions de travail déplorables et difficiles des travailleurs de l’industrie textile au Québec est interdit de projection par l’ONF. Cinq ans plus tard, après La maudite galette (son premier film de fiction) et Réjeanne Padovanni, oeuvre colossale mais amèrement reçue à Cannes en 1973, Arcand entreprend une quête vengeresse avec Gina. Dans ce film de fiction où il règle notamment ses comptes avec l’industrie cinématographique de l’époque, spécialement l’ONF, le réalisateur emploie des jeux d’oppositions (ici le cinéma direct se mêle avec le cinéma d’exploitation pur et dur) qui mènent ce drame de mœurs distancié vers une tout autre sphère que le simple cinéma de genre. La maîtrise du montage en parallèle juxtapose les scènes de tournage d’un documentaire sur l’industrie textile à Louiseville aux démêlés d’une danseuse de club avec une bande de motoneigistes. Le tournage du documentaire  incluant un extrait censuré par l’ONF de son toujours inédit On est au coton  cède sa place à une fiction dont le climat très dur vers la fin évoque la température froide et enneigée d’un hiver québécois qui nous plonge dans les mœurs typiques de l’époque (le jeu de confrontation lors de l’importante et longue scène de billard; la danse inoubliable de Céline Lomez avec la musique rock de Michel Pagliaro).
On retrouve toute la verve d’un cinéaste enragé et en pleine possession de ses moyens dans cette variation sur le thème de la violence et de la vengeance personnelle. À l’instar de La maudite galette, c’est dans le cinéma d’exploitation que le film se dirige tout en déviant habilement les codes du genre. Ainsi, la séquence de viol collectif est filmée sans complaisance et avec une économie de moyens autant dans sa description que sa démonstration. Dans son meilleur rôle au cinéma, Céline Lomez, qui  interprète à la fois l'humiliation et le désir de vengeance, fait preuve de nuance et de complexité.
Cette vengeance personnelle qu’exerce Gina (et sa bande de bandits menée par un étonnant Donald Lautrec) sur ses nombreux agresseurs se conclut par une finale jouissive et ultraviolente d’une rare efficacité... avant qu'Arcand ne boucle son film avec cet épilogue cynique en forme de réflexion sur l’industrie et l’avenir du cinéma québécois.

25 juin 2018

★★ | La chute de l’empire américain

★★ | La chute de l’empire américain

Réalisé par Denys Arcand | Dans les salles du Québec le 28 juin 2018 (Séville)

Les valeurs québécoises (judéo-chrétiennes) ont été progressivement remplacées par les valeurs américaines (le triomphe de l’argent, qui était le titre initial de ce projet). Arcand l'a notamment constaté  à l'émission Tout le monde en parle en mai dernier et en fait le sujet de son dernier film. Cependant, s’il le déplore dans ses interventions publiques («L’omnipuissance de l’argent en est un des symptômes. Trouverons-nous des antibiotiques assez puissants pour combattre cette gangrène ?»), le message de son dernier film est plus ambigu. Avec ses personnages qui font des choix immoraux pour s'enrichir, mais qui s'achètent une bonne conscience en utilisant une partie de la somme volée pour aider les nécessiteux, il semble prendre position aux côtés de ceux qui ont opté pour une fusion entre ces deux valeurs (argent facile + rédemption = bonne conscience. Mais est-ce vraiment une fusion? N’est-ce pas un retour aux valeurs américaines d'antan?). Ce parti pris assez surprenant, qui permet à Arcand de remplacer son cynisme par un optimisme inhabituel, est-il sincère ou n’est-il qu’une concession accordée dans le but de plaire et de retrouver le succès? Le changement de titre du film (qui fleure bon l’opportunisme malhabile en faisant référence à un ancien succès), nous donne un élément de réponse.
Mais finalement, qu’importe tout cela. Quelles qu’en soient les raisons, Arcand peut bien faire les constats qu’il veut, même s’il nous semble avoir été déjà plus pertinent pas le passé. Ce qui inquiète surtout, c’est la perte de son cinéma. Certes, La chute de l’empire américain est nettement supérieur à son précédent film Le règne de la beauté, mais ce n’est pas une référence... et les faiblesses restent nombreuses.
En optant pour la comédie assumée, le cinéaste semble vouloir prendre des distances avec un certain réalisme, mais va un peu trop loin dans cette logique. Avouons cependant que certains choix sont pourtant intéressants, notamment en ce qui concerne les seconds rôles, très justes dans la caricature de ce qu’ils représentent: l’homme d’affaires respectable à l’extérieur, sans scrupule à l’intérieur, interprété par Pierre Curzi avec une rigidité bienvenue; l’escroc jadis au service d’un gang de motards, tout droit de prison et incarné par un Rémy Girard plus Rémy Girard que jamais; le duo de policiers très «série américaine», incarné par le couple le plus classe et sexy de l’année cinématographique québécoise: Louis Morissette et Maxim Roy. Malheureusement, en allant un peu plus loin dans la caricature avec les deux rôles principaux (Maripier Morin en pute intello au grand cœur et Alexandre Landry en docteur en philo «trop intelligent» pour s’intégrer à notre triste monde), Arcand trébuche et entraîne tout le film dans sa chute. Il semble vouloir obéir à une logique de comédie romantique (l’amour entre deux personnes que tout oppose), mais ne prend pas le temps de créer le terrain propice à leur rapprochement. Comme s’il avait oublié que la comédie réussie doit prendre le temps de créer un univers qui permet au spectateur d’en accepter les improbabilités, Arcand semble tout se permettre sans effort. Pour enfoncer le clou, le film souffre de la même faiblesse avec son pendant plus «polar»: les choses vont si vite, et de manière si improbable, que la facilité prend le dessus sur la fantaisie: plus le film avance, moins les incohérences multiples passent. Les petites touches personnelles (des références intellectuelles à l’arrière-plan social), ne font qu’aggraver le tout et accentuer le grand écart irréconciliable entre le cinéaste qui semble vouloir rester lui-même et celui qui cherche visiblement à plaire au plus grand nombre avec son mélange de caricature, de facilités scénaristiques et d’optimisme peu convaincant.
Le cinéaste avait touché le fond avec Le règne de la beauté… il remonte un peu, mais il n’est pas encore arrivé à la surface. Tant s’en faut!
Le retour de Cinéfilic

Le retour de Cinéfilic

C'est l'heure du retour... pour Cinéfilic également!­
C'est l'heure du retour pour Cinéfilic. Après deux mois de pause, nous revenons avec un nouveau site internet et une formule modifiée.
Malheureusement, nous sommes contraints de produire moins de textes que par le passé. Les critiques de films sortis en salles seront ainsi moins nombreuses... mais elles seront aussi un peu plus longues. De plus, les films se multipliant et les possibilité d'accès aux films évoluant, la nouvelle rubrique «Hors salles» permettra à nos rédacteurs de parler de films qui n'ont pas eu la chance de sortir dans une salle du Québec.
Une autre rubrique, nommée «Films d’hier», verra également le jour. Elle nous permettra de revenir sur un film appartenant à l'histoire du cinéma et lié à l’actualité. Le premier film concerné sera Gina de Denys Arcand. Il nous semblait en effet important de l’associer au dernier film du cinéaste (La chute de l’empire américain), beaucoup moins réussi!
Pour terminer, précisons que le site a été grandement modifié. Les articles précédents n'ont pas tous été adaptés à la nouvelle formule! Ils le seront progressivement, mais pas intégralement! Merci de bien vouloir nous excuser pour ce petit inconfort de lecture, que nous espérons cependant assez mineur!