6 juillet 2018

Fantasia 2018 | Les 6 films qui nous font le plus envie

Fantasia 2018 | Les 6 films qui nous font le plus envie

Mandy | Under the Silver Lake
Satan’s Slave | Tokyo Vampire Hotel 
Madeline's Madeline | Blue My Mind
Cette année encore, l’Université Concordia va devenir pendant trois semaines le lieu de prédilection des amateurs de cinéma de genre… et de cinéma en général.
Comme tous les ans, nous y verrons très probablement des nanars volontairement débiles, des films fauchés inventifs, des films indépendants prétentieux et quelques bonnes surprises, déceptions, confirmations, hectolitres de sang, psychopathes inquiétants, victimes apeurées et adolescents tourmentés.
Comme tous les ans, le choix de films à voir sera difficile à faire car certains petits bijoux ne ressembleront à rien sur le papier, alors qu’au contraire, des films très attendus ne seront que pétards mouillés. C’est justement ce qui fait le charme de ce festival, qui pousse le cinéphile à la boulimie, seul moyen pour lui de faire de véritables découvertes et de ne pas passer à côté de bons films qu’il n’aura peut-être plus jamais l’occasion de voir en salle.
Après avoir écrit cela, il semble évident qu’une liste de films attendus n’est pas gage de qualité… mais comme tous les ans, nous continuons à jouer à ce petit jeu.

Parmi les films que nous ne manquerons sous aucun prétexte cette année, figurent deux films de cinéastes que nous connaissons encore peu, mais qui ont tout pour devenir des cinéastes majeurs. Nous verrons si leurs derniers films confirment nos attentes:

• Mandy | Beyond the Black Rainbow, premier long métrage réalisé par Panos Cosmatos est probablement une des plus jouissives expériences cinéphiles offerte par Fantasia depuis une dizaine d’années. Son second film, précédé d’une réputation critique élogieuse et servi par un Nicolas Cage capable du pire comme du meilleur, ne pouvait que nous faire saliver à l’avance.

• Under the Silver Lake | David Robert Mitchell nous a offert un premier film malheureusement méconnu qui lui a permis de donner sa version toute personnelle du film pour adolescents (The Myth of the American Sleepover), avant d’impressionner avec un film d’horreur de très haut calibre (It Follows). La réception cannoise de son dernier Under the Silver Lake a certes été plutôt tiède, mais qu’importe. Nous ne manquerons sous aucun prétexte son troisième film.

Parmi les fidèles du festival, notre préféré est probablement Sion Sono, une nouvelle fois présent avec la version film d’une série télé:

• Tokyo Vampire Hotel | Sion Sono a lui aussi offert à Fantasia de nombreux bons films ces dernières années, dont une pure merveille (Tag). Son petit dernier est la version courte d’une série télé, vue par notre collègue Olivier Bouchard qui lui reprochait quelques longueurs. La nouvelle version, trois fois moins longue, gagnera-t-elle en qualité? Réponse très bientôt.

Une des grandes forces de Fantasia est de nous faire découvrir de nouveau noms ou de nouveaux univers:

• Blue My Mind | Un Fantasia sans bon film sur l’adolescence n’en est pas vraiment un. (Citons au hasard Turn Me On, Goddammit!, Han Gong-ju ou Teenage Cocktail.) Cette année, nous serons à nouveau attentifs à ce sujet, et particulièrement au premier film d’une cinéaste suisse (Lisa Brühlmann), qui s’est déjà fait grandement remarquer dans son pays.

• Madeline's Madeline | Deux films de Josephine Decker ont déjà été présentés à Fantasia (Thou Wast Mild and Lovely et Butter on the Latch), mais l’auteur de ces lignes, confus et penaud, doit admettre en rougissant de honte ne pas les avoir vus. Si c’est aussi votre cas, voici l’occasion de vous rattraper avec son troisième long métrage de fiction, qui a jusqu’ici reçu un très bel accueil critique.

Et parce que Fantasia ne serait pas Fantasia sans film d’horreur pur et dur, allons en Indonésie avec un des gros succès du cinéma local:

• Satan’s Slave | Amateurs de films de maisons hantées, ce film de Joko Anwar est fait pour vous... du moins, nous l'espérons!

Comme nous l'avons précisé plus haut, le secret d’une expérience réussie à Fantasia est de voir le plus de films possible pour essayer de dégoter les petites pépites de la programmation. En plus des six films cités, nous serons donc particulièrement attentifs à The Vanished, Laplace's Witch, Piercing, Searching ou La Nuit a dévoré le monde… pour ne citer qu’eux.
Durant la durée du festival, Pascal Grenier nous livrera un petit compte rendu hebdomadaire de ses découvertes (ou déceptions). Miryam Charles et moi aurons en charge la rédaction des critiques des six films définis plus haut comme étant les plus attendus. Il ne nous reste qu’à espérer avoir fait les bons choix!
À suivre...

2 juillet 2018

★★ | Ant-Man and The Wasp (Ant-Man et la Guêpe)

★★ | Ant-Man and The Wasp (Ant-Man et la Guêpe)

Réalisé par Peyton Reed | Dans les salles du Québec le 6 juillet 2018 (Walt Disney) 
Où était Ant-Man pendant l'interminable destruction d'Avengers: Infinity War? C'est une des questions «fondamentales» que se posaient les fans de Marvel depuis quelques mois déjà. Ils auront enfin leur réponse... mais pas avant une des traditionnelles scènes cachées pendant le générique de fin. D'ici là, ils devront se farcir ce second tome tout à fait inutile de notre fourmi héroïque, qui fait suite à un premier volet déjà oublié.
La scène d'introduction alerte rapidement le spectateur. Un flashback aux effets spéciaux peu ragoûtants — rajeunir des acteurs célèbres à coup de CGI n'est jamais une bonne idée — annonce clairement les enjeux: Maman n'est peut-être pas morte et il faudra la secourir. Ce n'est pas tant l'idée de scénario rudimentaire qui saute aux yeux que la mise en scène utilisée. Ou plutôt son absence. La séquence est tellement laide visuellement qu'elle semble issue d'une série télé de bas étage. Le manque de cinéma est criant dans Ant-Man and The Wasp, surtout depuis que Edgar Wright a été chassé de l'original, remplacé par Peyton Reed (Yes Man) qui sévit à nouveau.
Cet aspect ne pèse toutefois pas lourd dans la balance de bien des admirateurs de l'univers cinématographique Marvel. Ce qu'ils veulent est de l'action, de l'humour et du divertissement. Trois éléments primordiaux qui sont réunis de façon microscopique au sein d'un récit chiche en sensations fortes. Le long métrage plat et linéaire distille un certain ennui, manque de rebondissements et n'intéresse jamais réellement. Une fois que surviennent les poursuites spectaculaires et effrénées de la fin, il est déjà trop tard, et l'espoir réside une nouvelle fois dans le prochain film Marvel — le 21e en l'occurrence!
Ant-Man est le plus léger, le plus insouciant personnage de Marvel et l'oeuvre lui rend bien. La seconde scène — peut-être la plus réussie — montre notre héros jouer à un jeu imaginaire avec sa fille. Ce sentiment d'appartenance à  l'enfance est rappelée à plusieurs reprises, au détour de brefs moments enjôleurs, comme celui où le protagoniste rapetissé doit sortir de l'école de sa jeunesse. De quoi sourire tendrement et de ne rien prendre au sérieux! Ce n'est pourtant pas une raison pour offrir une farce qui tombe trop souvent à plat, peuplé de gags hasardeux et de situations discutables, dont l'absence de logique fait sourciller. Tous les comédiens ont des niveaux de jeu différents, ce qui n'est rien pour aider. Paul Rudd fait du Paul Rudd, Michael Douglas fronce les sourcils, Michael Pena cabotine avec verve, Laurence Fishburne semble perdu et Michelle Pfeiffer n'apparaît pas suffisamment longtemps à l'écran pour exister réellement. On lui préfère nettement Hannah John-Kamen, parfaite en Ghost, dont le personnage damné n'est que clichés ambulants.
Après les peu digestes Solo: A Star Wars Story, Ocean's 8 et Jurassic World: Fallen Kingdom, Ant-Man and The Wasp confirme que les superproductions paresseuses sont là pour rester cet été. Heureusement qu'il y a eu Deadpool 2!
Ce nouvel Ant-Man, projet mineur censé alimenter la machine à dollars entre deux créations titanesques, est tellement quelconque qu'on voit bien mal comment un troisième épisode pourrait voir le jour. Même si plus rien ne nous surprendrait.

28 juin 2018

Juin 2018 selon Martin Gignac

Juin 2018 selon Martin Gignac

First Reformed (Paul Schrader)
Chaque mois, Cinefilic va revenir sur les films qui ont fait... le mois, justement. Une façon de conserver à jamais ces moments marquants, de ramener vers la lumière des images avant de les laisser s'engouffrer progressivement dans l'ombre, des salles de cinéma et de notre mémoire.

À la fin de juin, les RIDM+ présentaient The Dead Nation de Radu June (le western inclassable Aferim!, c'était de lui), un documentaire bouleversant sur la façon dont la Roumanie a traité la communauté juive pendant la Seconde Guerre mondiale. Uniquement composée de photographies oubliées et de la lecture d'un vieux journal intime, l'oeuvre marque au fer rouge, se déposant là où elle ne pourra jamais être oublié.

La première fois qu'on voit First Reformed, on est estomaqué par le retour en forme de Paul Schrader, ses emprunts à la Sainte Trinité  Bresson, Dreyer, Bergman  et les prestations de Ethan Hawke et Amanda Seyfried, les meilleures de leur carrière. La seconde fois, l'opus se dresse différemment, dans sa rigidité pure, sa rage intime, tel un Taxi Driver des temps modernes, d'où s'échappent au moins deux scènes qui feront à elles seules 2018.

Impossible de résister à Juliette Binoche, plus empreinte de magnificence que jamais dans Un beau soleil intérieur. Claire Denis ose la comédie avec mélancolie, enveloppant son héroïne dans un cocon de chaleur, feintant le cinéma populaire à coup de vedettes pour offrir une réflexion profonde sur l'amour. Puis il y a ce visage, ce corps tout entier, qui ravit allègrement.

Sans être sans faute, American Animals de Bart Layton propose une nouvelle façon de raconter une histoire, amenant les bases mêmes du documentaire dans un récit fictif. Le tout en demeurant pleinement cinématographique.

D'où vient cette rage envers le Rodin de Doillon? Pour une fois qu'on n'a pas affaire au biopic usuel... L'idée de création, enracinée dans la mise en scène même, offre un long métrage un peu âpre, certes, mais qui s'élève constamment vers le divin.

De l'autre côté, il y a l'encensement presque généralisé envers Hereditary, premier long métrage du très doué Ari Aster, qui se tourne vers les classiques horrifiques pour rappeler à quel point le mal peut gruger l'être humain de l'intérieur. Un récit efficace, démoniaque à ses heures, mais pas de quoi crier au génie non plus.

On ne l'attendant plus celui-là. Vu au FNC l'année dernière et perdant même les plus fervents admirateurs de Desplechin, Les fantômes d'Ismaël est un film somme, d'une richesse inouïe, qui brouille les pistes avec un malin plaisir. Joyce en aurait été fan, c'est certain.

L'émotion coule à flots dans Hearts Beat Loud, le solide effort classique de Brett Haley, qui rend hommage à la musique et aux rêves d'hier par l'entremise d'une touchante relation père fille entre Nick Offerman, le nounours bourru et Kiersey Clemons, qui véhicule toutes les émotions d'un seul regard. Cela fait longtemps qu'on ne s'est pas senti aussi bien devant une vue.

Hormis The Day He Arrives, aucun film de Hong Sang-soo n'a bénéficié d'une présentation régulière en sol québécois. Une véritable honte pour un des plus grands cinéastes contemporains. Sorti directement en DVD et en Blu-ray dans une élégante édition américaine, On the Beach at Night Alone se révèle une de ses plus belles réussites, plus sombre qu'à l'accoutumée. Sa musique habituelle est sublimée par la présence de son amoureuse Kim Min-hee (Mademoiselle). Vivement une rétrospective à la Cinémathèque québécoise!