17 septembre 2021

★★¾ | Kate

★★¾ | Kate

Réalisation : Cedric Nicolas-Troyan | Disponible en VOD au Québec depuis le 10 septembre 2021 (Netflix)
Avouons-le d'emblée, nous aimons beaucoup Mary Elizabeth Winstead. Sans elle, Kate n'aurait d’ailleurs peut-être pas été mis au programme pour remplacer à la dernière minute un autre film. Mais nous ne le regrettons pas! Pourtant, le scénario du film est d'une grande banalité. Non seulement les thèmes qu'il aborde ont été vus et revus (une enfant "élevée" pour devenir une tueuse impitoyable, une tueuse impitoyable qui retrouve une once d'humanité au contact d'une ado), mais en plus, leur traitement ferait presque passer Luc Besson pour un grand et subtile scénariste. Cependant, si l'on accepte de jouer ce petit jeu et de ne retenir que l'action, il faut reconnaître que l'ensemble est fichtrement efficace. Bien sûr, les enfonçages de portes ouvertes scénaristiques provoquent des longueurs un peu regrettables, mais en dehors de ça, le film très solidement mis en scène se laisse voir avec un grand plaisir. Il faut dire qu'il peut compter sur la présence hyper charismatique d'une Mary Elizabeth Winstead toujours aussi impeccable et nuancée. De plus, au rang des surprises (et oui, il y en a), signalons la présence d'une jeune canadienne (Miku Patricia Martineau) qui remplit parfaitement sa fonction dans le rôle assez ingrat et très convenu de l'ado dans un premier temps tête à claques mais finalement attachante.
Au final donc, Kate n'est qu'un petit film Netflix assez oubliable... mais suffisamment bien fichu pour rassasier les spectateurs et spectatrices ayant une forte envie d'action un peu décérébrée.

10 septembre 2021

★★★ | The Card Counter

★★★ | The Card Counter

Réalisation : Paul Schrader | Dans les salles du Québec le 10 septembre 2021 (VVS Films)
Quatre ans après avoir réalisé First Reformed, considéré par beaucoup comme un de ses meilleurs films depuis bien longtemps, le scénariste de Taxi Driver nous revient avec un film qui lui permet une nouvelle fois de traiter de son thème de prédilection : la rédemption. Le très charismatique Oscar Isaac et une mise en scène épurée contribuent à générer une ambiance très froide, à l’image du personnage incarné par Isaac (un amateur de casino qui sait générer des gains sans trop attirer l’attention). Petit à petit, à l’aide de flash-back (ou forward) particulièrement maîtrisés, Schrader structure son récit et parvient à venir troubler la petite vie bien réglée de son joueur professionnel en lui faisant rencontrer presque simultanément une belle et séduisante comparse, mais surtout un jeune paumé qui viendra faire ressurgir un passé trouble et lointain (et qui ouvrira ainsi la porte d’une rédemption très schraderienne).
Souvenirs douloureux, instants de vie d’un joueur pro, interactions entre les personnages... tout cela est dans un premier temps parfaitement orchestré. De surcroît, Schrader parvient à créer un véritable télescopage entre les scènes du présent à la mise en scène très sobre et de brèves scènes du passé tournées avec une focale très courte conférant un effet distordu qui colle parfaitement à ces souvenirs douloureux. Malheureusement, lorsque le sentiment amoureux arrive dans le portrait, la mise en scène jusqu’ici (à juste titre) binaire n'arrive pas à suivre et à restituer le bris d’armure que doit subir son héros. De plus, en s’approchant de la fin, la maîtrise scénaristique dont avait fait preuve Schrader s’étiole et le cinéaste nous offre un dénouement rédempteur qui, après près de 50 ans de carrière, ressemble plus à un procédé qu’au développement d’une thématique. Le tout dernier plan, assez ridicule (alors qu’il se voudrait touchant) ne fait rien pour nous faire oublier cette faiblesse, pas plus que les chansons de Robert Levon Been, qui n’ont rien de honteuses intrinsèquement, mais qui peinent à coller à l’ambiance globale.
Voilà donc un Schrader très respectable mais également très imparfait et inégal, comme souvent chez lui. À voir tout de même pour ses qualités (dans les trois premiers quarts du film) et pour Oscar Isaac, irréprochable d’un bout à l’autre!

3 septembre 2021

 ★★★ | Shang-Chi and the Legend of the Ten Rings (Shang-Chi et la légende des Dix Anneaux)

★★★ | Shang-Chi and the Legend of the Ten Rings (Shang-Chi et la légende des Dix Anneaux)

Réalisation : Destin Daniel Cretton | Dans les salles du Québec le 3 septembre 2021 (Buena Vista)
Autant le dire tout de suite, nous ne sommes pas les plus grands fans de l’univers cinématographique Marvel. Nous devons toutefois admettre que Shang-Chi and the Legend of the Ten Rings fait partie des réussites de la franchise et représente un divertissement particulièrement plaisant. Certes, tout n’est pas parfait et le film aurait probablement gagné à être légèrement écourté, mais ce bémol est vite oublié en raison des multiples qualités de l’ensemble.
La première relève du choix des comédiens. Le duo que forment Simu Liu (un peu fade... ce qui colle parfaitement à son personnage) et Awkwafina (qui apporte une touche comique très plaisante) fonctionne à merveille et nous place d’emblée dans d’excellentes dispositions. Par la suite, l'arrivée de deux géants du cinéma asiatique (Tony Leung et Michelle Yeoh) prolonge le plaisir... tout comme celle de Ben Kingsley, plus cabot que jamais (mais cette fois, à juste titre).
Mais ce n’est pas tout. En plus de tirer le meilleur de chacun (quitte à assumer leurs faiblesses), Destin Daniel Cretton va piger dans différents genres (comédie, action à l’américaine ou à l’asiatique, fantastique, etc.) avec une efficacité et un sens du spectacle qui nous font oublier des segments de liaison un peu plus laborieux.
À la sortie de la salle, nous en avons pris plein la vue, avons l’impression d’avoir vu plusieurs films en un et avons ressenti de la nostalgie (Leung/Yeoh), un plaisir presque enfantin (les dragons géants) et une bonne humeur communicative (Awkwafina). Bien sûr, une semaine plus tard, nous avons presque tout oublié... mais qu’importe. Pour une fois, un film de pur divertissement nous a donnés du fun! Ça fait d’autant plus plaisir que c’est particulièrement rare.

27 août 2021

★★★ | Prisoners of the Ghostland

★★★ | Prisoners of the Ghostland

Réalisation: Sion Sono | Dans les salles du Québec le 27 août 2021 (Métropole Films Distribution)

Ce n'était qu'une question de temps avant que Sion Sono tourne un film américain. Prisoners of the Ghostland propose une initiation à son art qui se veut amusante et simplifiée.
Cela ne prend que quelques secondes pour constater qu'on est bel et bien devant un long métrage du cinéaste culte de Suicide Club. Le réalisateur punk possède un style unique, conviant un chaos qui verse dans la surenchère, l'abondance de combats hystériques et sanguinolents, mélangeant allègrement trois ou quatre genres au passage. Un seul coup d'œil à la bande-annonce et le désir est grand de vivre l'expérience au cinéma, à délirer entre amis ou inconnus.
Le long métrage fonctionne d'ailleurs surtout comme un divertissement inconséquent à usage unique. C'est toutefois suffisamment grotesque, amusant, déstabilisant, étrange et malsain pour qu'on en redemande. Surtout chez le cinéphile qui ignore tout du metteur en scène nippon. Visuellement l'œuvre en impose, proposant de décadentes visions de l'enfer à rendre jaloux tous les westerns à la Mad Max de la planète. Et musicalement elle n'est pas en reste, conviant des synthétiseurs symphoniques qui ne laissent pas indifférents.
La poussière ne tarde cependant pas à retomber. Aussi efficace soit-il, l'exercice de style répétitif demeure classique, et il n'existe que pour dissimuler des thèmes ténus explorés superficiellement. Le scénario concocté par Reza Sixo Safai et Aaron Hendry est plus que limité, les dialogues sonnent creux et il n'y a aucun personnage réellement attachant ou intéressant. Un fait rare chez le créateur de Tag et Red Post on Escher Street.
Évidemment ce n'est pas une raison pour bouder son plaisir et ne pas prendre son pied. D’autant plus que Sion Sono a trouvé son parfait alter ego en Nicolas Cage. L'acteur le plus cinglé de sa génération, qui était si sobre et juste dans le récent Pig, s'amuse beaucoup ici, modulant sa performance à l'ensemble sans trop en faire pour autant. Une rencontre au sommet entre deux monstres sacrés dont la folie semble avoir peu d'égal.
Prisoners of the Ghostland, le premier film du réalisateur à être distribué au Québec depuis près de dix ans, semble donc être une carte de visite pour le faire connaître à un nouveau public. Peut-être qu'après, ses nouveaux fans voudront découvrir les Cold Fish et autres Love Exposure qui les marqueront à jamais...

20 août 2021

★½ | Demonic

★½ | Demonic

Réalisation : Neill Blomkamp | Disponible en VOD au Québec le 20 août 2021 (VVS Films)

Il y a plus de dix ans, Neill Blomkamp nous avait offert un film plein de belles promesses avec District 9. Depuis, imperturbablement, nous suivons avec attention sa carrière… qui nous déçoit pourtant toujours un peu plus.
Il y a huit ans, à propos de Elysium, l’auteur de ces lignes écrivait : « Si, pour son prochain film, Neill Blomkamp pouvait mettre la main sur un coscénariste compétent, ça serait parfait! » Deux ans plus tard, notre collègue Olivier Bouchard, à propos de Chappie, écrivait: « Blomkamp aurait avantage à travailler avec de meilleurs scénarios. » Avec la sortie de Demonic, un constat s’impose : Il y a clairement un problème de scénarisation chez Blomkamp, et ce n’est pas nouveau! Alors oui, une nouvelle fois, le cinéaste/scénariste nous apporte une idée originale, quoi que (l’exorcisme se fait ici technologique); une nouvelle fois, le cinéaste nous propose des petites choses visuellement intéressantes (la fusion de mondes intérieurs pour permettre une rencontre impossible); mais une nouvelle fois, il ne parvient pas à transformer une idée en histoire, ni une envie de film en réussite. Très vite, son idée s’essouffle, tourne en rond, et le film ne va nulle part même lorsqu’il se dirige vers un univers plus classique et convenu! S’il nous offre alors bien son lot de choses trop prévisibles, il ne parvient pas à trouver ce qui peut a minima convaincre un public avide de frissons faciles. Jamais son film de possession diabolique n’est capable de générer la moindre tension, le moindre sursaut.
Demonic se contente d’être une idée qui ne va nulle part et finit par devenir un petit film de genre mineur comme tant d’autres, le minimum syndical en moins. Alors, continuerons-nous à croire au Père Noël en allant voir le prochain film de Neill Blomkamp dans l’espoir de voir se concrétiser les belles promesses de ses débuts lointains? Probablement pas!

13 août 2021

★★★★ | Ema

★★★★ | Ema

Réalisation: Pablo Larraín | En salle au Québec le 13 août 2021 (Cinéma du Parc)

Entre sa récente mini-série en huit épisodes pour Apple TV (et adaptation d’un roman de Stephen King: Lisey’s Story) et en attendant Spencer (prévu l’an prochain), le chilien Pablo Larraín (El Club, Jackie) a signé Ema en 2019. Le film, qui était déjà disponible au Québec sur certaines plateformes numériques, sort enfin sur un grand écran (au Cinéma du Parc).
Il s’agit d’une œuvre forte sur une jeune danseuse de reggaeton qui, à la suite d’une tragédie, est en proie à une certaine forme de culpabilité la conduisant à faire des changements radicaux dans sa vie. Mené par le magnétisme de son interprète Mariana Di Girólamo, le récit se révèle aussi pernicieux que vénéneux jusqu’à son dénouement aussi tordu qu’inattendu qui risque de ne pas plaire à tous.
En conjuguant les thèmes du feu et de la danse, Larraín s’intéresse aux corps tout en dressant un portrait complexe d’une femme en quête de liberté sous toutes ses formes. Cela se reflète principalement dans la façon de la protagoniste-titre d'appréhender le sexe et son ancrage à l'amour romantique, ici un élément de plaisir comme la nourriture, la danse ou toutes autres activités euphoriques (comme la pratique du lance-flammes) auxquelles elle s’adonne. En sombrant dans le polyamour, Ema explore un désir libérateur, indomptable et agréable qui, comme le reggaeton — l’un des styles musicaux les plus en vogue des milléniaux — détruit les conventions stagnantes des esprits tranquilles (un peu à l’instar du personnage de Terence Stamp dans Teorema). Par la musique, la jeune femme subira plus tard une transformation qui, dans son aspiration à récupérer son fils, la conduira à bouleverser tout l'univers qui l'entoure.
Le tout est admirablement saisi par la caméra de Larraín qui filme la ville de Valparaiso dans des plans souvent fouillés et aux images remarquables.