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21 octobre 2021

★★★ | Il n’y a pas de faux métier

★★★ | Il n’y a pas de faux métier

Réalisation : Olivier Godin | À la cinémathèque québécoise du 23 au 26 octobre 2021.

Critique publiée dans le cadre du FNC 2020

Ceux qui ne connaissent pas le cinéma d’Olivier Godin risquent d’être surpris, tant ses films ne ressemblent à rien de connu (même si certaines influences sont évidentes!). En ce qui nous concerne, nous faisons partie des amateurs du cinéaste, même si nous devons avouer que, de film en film, nous avons toujours un peu peur que Godin ne finisse par transformer sa créativité en système, et son inventivité en procédé.
Une nouvelle fois, avec Il n’y a pas de faux métier, le cinéaste n’est jamais bien loin de tomber dans son propre piège… mais une nouvelle fois, il parvient à éviter la chute. Certes, il reste adepte de ce cinéma où se côtoient avec une assurance presque insolente la poésie, la vulgarité assumée, l’érudition, la philo-pop, les références multiples, l’humour très personnel, l'absence de véritable enjeu dramatique et la musique aux accents jazzy. Mais le côté parfois brouillon des précédentes œuvres laisse la place à une plus grande maîtrise : rarement en effet un bordel cinématographique aura été aussi bien organisé. De plus, la photo, pas toujours irréprochable dans ses longs métrages passés (à l’exception de Nouvelles, Nouvelles) est ici en phase totale avec les évidentes velléités graphiques du cinéaste. Cadre précis, noirs profonds, rouges obsédants, jeux de lumières soignés… certains plans sont particulièrement beaux et viennent apporter une évidente valeur ajoutée à l’ensemble.
Alors si vous ne connaissez pas encore le cinéma de Godin, Il n’y a pas de faux métier est probablement la porte d’entrée idéale dans l’univers insolite du cinéaste.
Et pour les autres, une question s’impose. À quoi ressemblera le prochain Godin ? Réussira-t-il à se renouveler ? Finira-t-il par faire évoluer son cinéma avant de se prendre les pieds dans son propre système ! Réponse au prochain épisode… 

26 octobre 2020

FNC 2020 | ★★★★ | Last and First Men

FNC 2020 | ★★★★ | Last and First Men

Réalisation: Jóhann Jóhannsson | Prix FIPRESCI FNC 2020

Le compositeur islandais Jóhann Jóhannsson se fait cinéaste pour nous livrer une adaptation du roman de science-fiction Les Derniers et les Premiers (Olaf Stapledon, 1930), qui revenait sur l’histoire de deux mille millions d'années de l’humanité à l’aube de son anéantissement. Mais que les amateurs de science-fiction ou d’adaptations fidèles ne s’emballent pas trop vite! Last and First Men est surtout une œuvre qui se situe quelque part entre le conte philosophique, le cinéma expérimental et le documentaire artistique, et qui offre au spectateur une vertigineuse liberté d’interprétation. Nous avons choisi la nôtre et nous contenterons donc en quelques mots d'en donner notre lecture toute personnelle. Bien plus qu’une réflexion ou une interrogation sur l’avenir de l’humanité, nous y voyons avant tout une illustration impressionnante de la pluridisciplinarité intrinsèque du cinéma. Une place essentielle est en effet donnée aux disciplines suivantes: philosophie (en lien direct avec l’œuvre originale), littérature (le texte lu en voix hors champs par Tilda Swinton, d’une qualité littéraire évidente), photographie (les plans souvent fixes de Sturla Brandth Grøvlen, filmés dans un noir et blanc qui explore avec finesse toute une gamme de gris), musique (co-signée par Yair Elazar Glotman et Jóhann Jóhannsson) et sculpture (les œuvres commanditées il y a un demi-siècle par le dictateur yougoslave Tito pour rendre hommage à la lutte communiste contre le nazisme, qui semblent toutes sorties d’une autre galaxie, sont les seules traces d’humanité visibles dans le film).
En bon alchimiste, Jóhannsson prend tous ces éléments, qui pourraient sembler disparates, pour en faire une œuvre envoûtante dont les différentes composantes s’unissent progressivement, se renforcent mutuellement pour enfin former un tout d’une homogénéité aussi troublante qu’artistiquement fascinante. (Mais n’est-ce pas une définition possible du cinéma?)
Détail important: le sujet même de cet ultime film de Jóhannsson lui confère un statut de testament qui le rend encore plus troublant!
Pour toutes ces raisons, mais aussi pour beaucoup d'autres, y compris celles que nous n'imaginons même pas, ce film est à voir de toute urgence!

14 octobre 2020

FNC 2020 | ★★★ | Tout simplement noir

FNC 2020 | ★★★ | Tout simplement noir

Réalisation : Jean-Pascal Zadi et John Wax
Soyons francs, nous n'attendions rien de bon de Tout simplement noir… Et pourtant ! Cette comédie populaire souhaitant véhiculer un message de tolérance est à des années-lumière des pitoyables comédies françaises du style Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? Osons le dire : il s'agit même d'une réussite.
D'une part, elle est drôle. Et même très drôle. Ce qui, pour une comédie française, est déjà beaucoup. Bien rythmée, bordélique mais pas trop, gentiment insolente, traversée de dizaines d'apparitions parfois hilarantes de personnalité françaises dans leurs propres rôles, le film procure un plaisir constant.
Mais elle réussit surtout à faire ce qui semble presque impossible aux autres : livrer un message antiraciste aussi éloigné de la bien-pensance indigeste que de la caricature involontaire. Son arme absolue : ne pas voir les noirs de France comme une communauté unie, mais comme une multitude d'individus, possédant comme le reste de l'humanité leurs failles, leurs paradoxes, leurs excès, leur égoïsme… mais aussi tout le contraire !
En agissant ainsi, Jean-Pascal Zadi (qui incarne son propre rôle d’acteur raté !) désamorce un discours qui risquerait de braquer ceux qui ne veulent pas penser comme lui. Mais ce n'est pas tout. Il parvient à se défaire de la caricature dans lesquels s'enferment eux-mêmes certains cinéastes noirs (nous pensons à Lucien Jean-Baptise et Fabrice Eboué, par exemple, qui jouent d'ailleurs le jeu avec un beau sens de l’autodérision en assumant ce paradoxe).
Et finalement, montrant que les failles peuvent toucher tout le monde, quelle que soit la couleur de peau ou la raideur des cheveux, le film peut porter son message et parler des injustices subites par les noirs de France sans jouer au jeu de la victime perpétuelle, mais en mettant chacun face à la bêtise que représente la tentation de laisser la couleur de peau occulter un jugement.
Le tout, rappelons-le, sous des allures de grosse rigolade potache. Alors, oublions certaines faiblesses (quelques idées maladroitement surexploitées, certaines scènes aux allures de sketches moins drôles que d’autres) et disons tout simplement : chapeau monsieur Zadi.

10 octobre 2020

FNC 2020 | ★★★ | Thalasso

FNC 2020 | ★★★ | Thalasso

Réalisation: Guillaume Nicloux

Il y a quelques années, Guillaume Nicloux nous avait enchantés avec L'enlèvement de Michel Houellebecq, qui mettait en scène le rapt de l'écrivain par une bande de bras-cassés improbables.
Il nous propose ici sa suite qui commence de très hilarante manière. En envoyant Houellebecq dans une cure de Thalasso, avec séances cryothérapie et mode de vie sain imposé (sans cigarette ni alcool!), le cinéaste semble être sur la bonne voie pour réussir une suite encore plus drôle que L'enlèvement...
Malheureusement, alors qu'il parvenait à la perfection à filmer Houellebecq comme un corps improbable perdu dans un environnement hostile, le film déraille à l'arrivée d'un autre monument made in France: Gérard Depardieu en personne (par ailleurs excellent dans deux autres belles réussites du cinéaste: The end et Valley of love).
Le choc des contraires (le roc Depardieu et la brindille Houellebecq) ne donne pas l'effet escompté, et Nicloux semble ne plus trop savoir comment faire prendre la mayonnaise. Le film s'appuie alors de plus en plus sur une béquille scénaristique peu satisfaisante. Fort heureusement, malgré cette incapacité à transformer une promesse en réussite, le cinéaste jalonne son film de bons moments. Ils sont parfois drôles, quelquefois vraiment surprenants («la mort n'existe pas» chuchoté par Houellebecq, la larme à l'œil, à la manière d'une réponse à son propre «J'suis déjà mort» de Near Death Experience il y a quelques années), et permettent au film d'être agréable. Certes, nous aurions espéré plus... Mais nos réserves ne nous empêchent pas d'apprécier encore et encore le cinéma de Guillaume Nicloux!

7 février 2020

 ★★★ | En attendant Avril

★★★ | En attendant Avril

Réalisé par Olivier Godin | Dans les salles du Québec le 7 février 2020 (La Distributrice de Films)
Texte initialement publié à l'occasion du FNC 2018

Il y a peu de cinéastes aussi idiosyncratiques qu’Olivier Godin, encore moins au Québec. On ne pourrait pas prendre En attendant Avril comme le film d’un autre réalisateur. Le cinéma de Godin, que l’on qualifierait trop vaguement de surréaliste, multiplie les points de référence avec des influences aussi révolues que contemporaines, réussit toujours à faire beaucoup avec des moyens limités et, quoi que l’on en pense, fait toujours impression.
Cela étant dit, En attendant Avril est très proche du précédent film du cinéaste, Les arts de la parole. Les deux forment une sorte d’abstraction du film policier : enquêteur, enquêtrice dans le cas présent, au premier plan dans une quête qui tient du prétexte permettant au réalisateur de déployer sa poésie. Les deux font aussi un contrepoids à ce genre typiquement commercial en allant puiser dans le folklore québécois, la présence du conteur Michel Faubert, ici mis au premier plan, complétant ce geste. Dans la filmographie du cinéaste, En attendant Avril s’établit comme une continuation plutôt qu’un renouvellement.
Formellement, En attendant Avril est certainement moins désuet que Les arts de la parole. Très statique, la mise en scène a tout de même son lot de petites trouvailles. On retiendra particulièrement l’utilisation des couleurs pour donner corps à des décors limités, ou encore l’utilisation constante de mains pour mimer les fermetures d’iris de la caméra. Les idées déployées par Godin impressionnent par leur créativité, touchent par leur simplicité.
C’est dans les dialogues que le cinéaste est à son naturel. Drôles et beaux d’un même geste, ils établissent un ton de poésie singulière. Les acteurs se prennent au jeu avec un plaisir apparent et, même si les performances sont dans l’ensemble inégales, cela ne fait qu’ajouter au charme artisanal du film.
Si le cinéma de Godin provoque au premier abord la surprise, l’effet est grandement estompé pour ceux qui ont suivi le parcours du réalisateur depuis Nouvelles, Nouvelles. Il ne faudrait toutefois pas ignorer le film pour si peu. Godin est un cinéaste inimitable et c’est un plaisir de voir une nouvelle œuvre de sa part.

1 mars 2019

★★½ | Climax

★★½ | Climax

Réalisation: Gaspard Noé. Dans les salles du Québec le 1 mars 2019 (AZ Films)
Critique rédigée dans le cadre du FNC 2018

Des danseuses et danseurs réunis dans un lieu clos participent à une soirée. Au programme: danse, discussions et sangria… Malheureusement, cette dernière ne comporte pas que du vin et des fruits, mais également une substance qui a pour effet d'éliminer toute inhibition. Progressivement, chacun va prendre le chemin qui va le conduire vers une soif de sexe ou de violence…
Les premières scènes sont remarquables, en raison notamment de ces acteurs / danseurs particulièrement à l’aise avec leurs corps. Le plan-séquence inaugural, ainsi qu’une séquence tournée en plongée extrême sont les grandes réussites du film. La suite (des discussions en petits groupes permettant à chacun de se dévoiler) ressemble à un passage obligé pour présenter les personnages de manière un peu laborieuse, mais nécessaire pour la suite. Malheureusement, c’est après que les choses se gâtent.
Plus la soirée avance, plus les gens perdent les pédales, et plus Noé cherche à choquer ou à déstabiliser le spectateur, avec un résultat rarement convaincant, et parfois ridicule à force de sombrer dans la facilité. Ainsi, l’enfant présent sur place va mourir de manière traumatisante et la jeune femme qui annonce attendre un enfant va se faire rouer de coups, avec bien évidemment son ventre pour cible! Ces idées ont l’effet d’un pétard mouillé, mais si cette envie de choquer le bourgeois amuse Noé, pourquoi pas! Le plus problématique n’est pas là, mais plutôt au niveau des limites (relatives) de sa mise en scène. Alors que Noé avait sous la main des acteurs capables, de par leur activité de danseurs, de jouer avec leurs corps et d’en faire ressortir de manière presque animale la bestialité destructrice ou sexuelle (ce qu'ils font un peu dans la première partie), il préfère abuser d’effets imparfaitement maîtrisés. Certes, certains moments sont troublants, dérangeants ou oppressants… mais ils sont trop peu nombreux et parfois trop bâclés, comme si Noé s’était contenté d’idées de mise en scène sans chercher à les remettre en question ou à les affiner (peut-être par manque de budget?), et surtout sans utiliser pleinement le potentiel de ses acteurs.
Au final, Climax n'est pas inintéressant, mais pas totalement abouti. Il est également gâché par les habituels défauts de son réalisateur, de l’usage de la facilité dans le désir de choquer aux messages plein écran inutiles. L’un d’eux est toutefois amusant: «Vivre est une impossibilité collective». Lorsqu’on voit à quel point Noé se regarde filmer sans se remettre en question, mais surtout sans exploiter pleinement le potentiel corporel de ses danseurs, on se dit que pour lui, c’est peut-être faire un film qui est une impossibilité collective! C’est bien dommage. Si seulement Noé avait mis un peu moins d’ego dans son trip!

14 octobre 2018

★★★½ | Guy

★★★½ | Guy

Réalisé par Alex Lutz | Dans les salles du Québec le 19 novembre 2018 (MK2│Mile End)
Critique rédigée dans le cadre du FNC 2018

Un homme (Tom Dingler) apprend qu’il serait le fils illégitime du septuagénaire Guy Jamet (Alex Lutz), ancienne gloire de la chanson française. Il décide de le suivre, caméra au poing, pour en faire le portrait et apprendre à le connaître.
Soyons honnête, cette prémisse avait tout pour nous faire craindre le film égotique au service de son réalisateur / acteur. Le concept rendait en effet logique que la caméra soit braquée en permanence sur Lutz, occasion idéale pour lui de montrer l’étendue de son talent par le biais d’une transformation physique (l’acteur a 40 ans, son personnage en a plus de 70). Pourtant, très vite, nous comprenons que ce double choix est plus au service de son personnage que de son ego. En mettant le spectateur à la place du fils illégitime (les images du film sont en effet celles filmées par sa caméra), il crée d’emblée une relation avec le spectateur qui lui permet de donner vie à son Guy Jamet et d’en faire ressortir les failles de manière presque instantanée. De plus, en se vieillissant pendant 95% du film (par le biais d’un maquillage d’une qualité exceptionnelle), il permet aussi à son héros de retrouver lors de flash-back une jeunesse crédible et particulièrement touchante (tous les personnages n’ont pas cette chance, à l’instar de son ancienne compagne, incarnée par le duo Dani / Élodie Bouchez, pour un résultat beaucoup moins convaincant). Mais pour que tout cela fonctionne, il fallait que l’écriture soit à la hauteur. Cela tombe bien… le scénario (signé Thibault Ségouin, Anaïs Deban et Lutz lui-même) dépasse nos espérances. Non seulement les répliques sont souvent très drôles, mais surtout, il est parfaitement construit et permet d’intégrer régulièrement des éléments qui transforment le film en une réflexion permanente (mais jamais prétentieuse) sur le changement d’époque (sans jamais sombrer dans la nostalgie réactionnaire), la vieillesse (et son lâcher prise progressif, à la fois salvateur et difficile à accepter), la fragilité de la gloire (et le mépris ressenti lorsqu’elle est derrière soi), le rapport avec le public (parfois trouble), la paternité, etc.
Certes, tout cela n’est pas non plus parfait. Le film, avec sa volonté apparente d’aborder le plus de sujets connexes possibles, donne parfois l’impression d’avoir voulu respecter avec trop d’application son propre cahier des charges, mais cette réserve est bien faible à côté du plaisir procuré par cette rencontre.
Malgré ses défauts (son petit côté vieux con), Guy Jamet est particulièrement touchant. À travers lui, Lutz rend un bel hommage à tous ces has-been qu’il est facile de mépriser, mais qui savent, comme nous tous, que le bonheur est éphémère. Raison de plus pour ne pas gâcher notre plaisir en allant à la rencontre de ce Guy Jamet, qui nous offre ici 1h40 de bonheur.

12 octobre 2018

FNC 2018 | ★★★★ | Un couteau dans le cœur

FNC 2018 | ★★★★ | Un couteau dans le cœur

Réalisé par Yann Gonzalez
Après avoir écrit le plus grand bien des courts-métrages de Yann Gonzalez (lire ici) et de son premier long (Les rencontres d’après minuit), nous sommes ravis de constater que le réalisateur remplit toutes ses promesses. Il reste fidèle à certains éléments clés (la nuit, la recherche du plaisir, le passage du temps, la mort), mais il affine son style et parvient à jouer à merveille avec les références sans se laisser étouffer par elles. En visionnant Un couteau dans le cœur, nous pensons en effet souvent au giallo ou à un film comme Change pas de main (incroyable thriller porno bisexuel de Paul Vecchiali, où le sexe et la mort se côtoient de manière troublante), mais la force de Gonzalez est de s'appuyer sur ces deux piliers pour créer son propre univers, qui prend régulièrement le risque de partir dans tous les sens, mais qui ne se perd jamais en chemin.
Pourtant, Un couteau dans le cœur est réalisé sous le signe de la transformation permanente: passage constant d'un genre cinématographique à un autre, transformation d'hommes en femmes, d'une productrice en tueur masqué (du moins le temps d'un film), d'un homme en oiseau, d'un visage ravagé par les flammes, du soleil à l'orage ou encore du jour à la nuit dans une belle scène dans un cimetière forestier… pour ne citer que ces quelques exemples. Mais la maîtrise formelle donne une unité à cet ensemble en constante transformation qui le fait presque ressembler à un rêve, c'est à dire à quelque chose de mystérieux, aussi cohérent formellement qu'improbable narrativement.
Un couteau dans le cœur ne se contente cependant pas d'être un bel exercice de style. Il est bien plus que cela, notamment grâce à la présence d'une Vanessa Paradis magistrale. Malgré un jeu limité (avouons-le, elle n'a jamais été une grande actrice), elle apporte à son personnage une fragilité désabusée par l'entremise d'un sourire triste mal camouflé sous un trop-plein de maquillage. Elle permet ainsi au film de devenir par sa seule présence (en plus de tout ce qu'il était déjà) un mélo sentimental désenchanté, touchant malgré ses excès.
Alors, qu'est-ce qu'Un couteau dans le cœur? Un mélo mélancolique? Un rêve? Un giallo visuellement splendide? Un hommage au temps où la pornographie, même un peu kitch, racontait quelque chose? Une comédie désabusée aux allures pop? Peut-être bien plus encore? Et si c'était justement la plus grande force du film de Gonzalez: proposer une multitude de contraires qu'il parvient à rendre cohérente, sans rien imposer, mais avec un talent fou!

9 octobre 2018

★★★ | The Sisters Brothers (Les frères Sisters)

★★★ | The Sisters Brothers (Les frères Sisters)

Réalisé par Jacques Audiard | Dans les salles du Québec le 12 octobre 2018 (Entract Films)
Film vu dans le cadre du FNC 2018.

Le cinéma de genre est souvent présent dans l’oeuvre de Jacques Audiard en venant se greffer sur le reste du film de manière plus ou moins réussie (lire notre critique de Dheepan). Ici, le cinéaste assume pleinement son attirance et nous plonge dès les premiers instants dans un genre hyper codifié (le western) avec une scène de fusillade particulièrement efficace. Avec cette seule scène, le réalisateur nous en dit beaucoup sur ses intentions: assumer pleinement le cinéma de genre et ses codes, sans pour autant se laisser enfermer par eux (la manière dont il filme cette scène nocturne, totalement inhabituelle, est significative).
Malheureusement, nous comprenons très vite qu’Audiard éprouve des difficultés à courir deux lièvres à la fois, la force habituelle de son cinéma (les personnages) devenant ici son point faible. Cet aspect comporte pourtant des éléments positifs: les acteurs qui les incarnent leurs apportent une véritable complexité et leurs parcours sont improbables mais pourtant crédibles. Interprétation et écriture ne sont donc pas à mettre en cause. Le problème viendrait de la démarche même d’Audiard, et de cette envie d’assumer le genre dès le début du film. Même si ses personnages sont bien définis, le cinéaste peine à les faire exister pleinement, comme si son besoin de jouer avec les codes du genre étouffait les êtres… ou, dit autrement, comme si le cinéaste ne parvenait plus à filmer aussi naturellement les failles de ses personnages, ce qu’il faisait jusqu’ici sans en avoir l’air, d’un simple plan sur un corps, un regard, un geste.
Une fois de plus, Audiard a un peu le culs entre deux chaises, mais ici un peu plus que d'habitude. Jusqu’ici, ses qualités prenaient le dessus sur les maladresses. Avec ce film, c'est moins évident. Il est toujours talentueux, mais il lui manque son sens de l’observation habituel, qui suffit à faire naître l’émotion d’un rien. Mais ce n'est peut-être pas ce qu'il cherchait: plus que la vie, c'est le western, le mythe, les codes qui semblaient l'intéresser. Si on parvient à regarder son film sous cet angle, il est probablement plutôt réussi. On aurait juste voulu que son talent lui permette d’élever The Sisters Brothers au statut de grand western, c'est à dire de grand film!
Pour cela, un peu plus tôt dans l’année, il y a eu Hostiles. Le dernier Audiard n’est clairement pas de la même trempe!

7 octobre 2018

★★★ | Au poste!

★★★ | Au poste!

Réalisé par Quentin Dupieux | Dans les salles du Québec le 12 octobre 2019 (Axia Films)
Film vu dans le cadre du FNC 2018

Avec Au Poste!, Quentin Dupieux quitte le soleil californien pour la nuit française et nous plonge par la même occasion dans le cinéma français d’hier. Le point de départ fait en effet penser au Garde à vue de Claude Miller, l’affiche est digne d’un film avec le Belmondo au sommet de sa popularité, et l’ensemble flirte régulièrement avec le Blier de la grande époque grâce à des situations absurdes si impeccablement intégrées à la banalité du quotidien qu’elles en deviennent crédibles. Certes, l’humour y est moins inquiétant que chez le cinéaste de Buffet froid, mais la proximité des univers est indéniable. Elle est renforcée par deux éléments qui faisaient la force de Blier, et qu’on retrouve ici. D’une part, les comédiens sont dirigés avec maestria (et dans ce cas, proches du contre-emploi, comme Anaïs Demoustier, frisottée comme la Deneuve d’Agent trouble et amusante comme jamais), mais surtout, le scénario est construit avec une rigueur qui renforce l’impression que tout ce qui se déroule sous nos yeux est possible malgré son improbabilité. Avec une structure narrative plus cohérente et des dialogues omniprésents alimentant en permanence l'enquête policière, Dupieux nous éloigne de ses précédents films, qui pouvaient perdre le spectateurs à force de jouer avec un univers spatio-temporel plus qu’improbable.
Avec ce film ne se prenant jamais au sérieux, Dupieux rend également un hommage improbable au cinéma français, composé aux yeux des réfractaires (à en croire de nombreux témoignages entendus par votre serviteur ici et là) de deux éléments majeurs: des dialogues interminables et la description du quotidien. En alternant ces deux éléments (l’interrogatoire pour les dialogues, et le témoignage du suspect pour la description du quotidien), Dupieux plonge de plein pied dans cette caricature du cinéma français, tout en le rendant particulièrement divertissant.
Non seulement le résultat est drôle, mais il a également la bonne idée de ne pas épuiser son propre filon en optant pour un court 73 minutes. Dupieux semble avoir compris pour notre plus grand plaisir que les meilleures plaisanteries sont parfois les plus courtes!

8 décembre 2017

L'autre côté de l'espoir / The Other Side of Hope (Toivon tuolla puolen) ***

L'autre côté de l'espoir / The Other Side of Hope (Toivon tuolla puolen) ***

Film vu dans le cadre du FNC 2017

À Helsinki, Wikhström décide de changer de vie: il quitte sa femme alcoolique pour réaliser son rêve en ouvrant un restaurant. Parallèlement, Khaled, un réfugié syrien voit sa demande d'asile rejetée. Il trouve refuge dans la cour du restaurant de Wikhström.

Réalisateur: Aki Kaurismäki | Dans les salles du Québec le 8 décembre 2017 (EyeSteelFilm)

20 octobre 2017

Les affamés ***½

Les affamés ***½

Critique rédigée dans le cadre du FNC 2017

Dans un petit village québécois comme tant d’autres, pour une raison inconnue, de paisibles habitants se transforment en zombies assoiffés de chair humaine. Quelques survivants trouvent refuge en forêt.

Réalisateur: Robin Aubert | Dans les salles du Québec le 20 octobre 2017 (Séville)

15 octobre 2017

FNC 2017: Les garçons sauvages ***½

FNC 2017: Les garçons sauvages ***½

(Réalisateur: Bertrand Mandico)

Hier soir, nos collègues de l’AQCC Maxime Labrecque (président du jury; Séquences, Voir), Sylvain Lavallée (Panorama-cinéma) et Zoé Protat (Ciné-Bulles) attribuaient dans le cadre du FNC le prix de l’AQCC / prix de l’expérimentation Mubi 2017 à un de ces objets filmiques qui nous ravissent!

6 octobre 2017

Blade Runner 2049 ***½

Blade Runner 2049 ***½

Critique rédigée dans le cadre du FNC 2017

Lors d’une intervention policière, le Blade Runner K (Ryan Gosling) découvre un coffre enterré au pied d’un arbre. Les ossements contenus dans ce cercueil improvisé conduiront K à mener une enquête pour essayer de percer l’incroyable secret qu’il contient!

Réalisateur: Denis Villeneuve | Dans les salles du Québec le 6 octobre 2017 (Warner Bros. Canada)

5 octobre 2017

17 février 2017

Toni Erdmann ****

Toni Erdmann ****

Critique publiée dans le cadre du FNC 2016

Ines se consacre tellement à sa carrière qu'il lui reste peu de temps pour son père Winfried, excentrique dont l’humour est souvent déplacé et désagréable. Alors qu’elle travaille à Bucarest, Winfried s’invite inopportunément et s’invente la personnalité de Toni Erdmann pour se rapprocher de sa fille.

Réalisatrice : Maren Ade | Dans les salles du Québec le 17 février 2017 (Métropole)

27 janvier 2017

La tortue rouge ****

La tortue rouge ****

Texte rédigé dans le cadre du FNC 2016

Un naufragé se retrouve seul sur une île du bout du monde, jusqu'au jour où...

Réalisateur: Michael Dudok de Wit | Dans les salles du Québec le 27 janvier 2017 (AZ Films)

9 décembre 2016

Aquarius ***½

Aquarius ***½

Critique rédigée dans le cadre du FNC 2016

Dernière résidente du bloc appartement Aquarius, Clara (Sonia Braga), veuve de 65 ans toujours attachée aux souvenirs de son foyer, refuse systématiquement de le vendre à la compagnie immobilière qui désire l’acquérir.

Réalisateur : Kleber Mendonça Filho | Dans les salles du Québec le 9 décembre 2016 (Cinéma du Parc)

28 octobre 2016

Mademoiselle / The Handmaiden (Ah-ga-ssi) ***½

Mademoiselle / The Handmaiden (Ah-ga-ssi) ***½

Texte écrit dans le cadre du FNC 2016

En Corée, lors de l’occupation japonaise, deux escrocs s’allient pour extirper la fortune d’une riche héritière. Alors que le plan s’éternise, l’une, infiltrée en tant que servante, commence à s’éprendre de sa victime.

Réalisé par Park Chan-wook | Dans les salles du Québec le 28 octobre 2016 (Métropole Films Distribution)
Prank ***

Prank ***

Film vu dans le cadre du FNC 2016

Un adolescent sans amis occupe ses journées comme il le peut, c'est-à-dire en ne faisant pas grand-chose. Il possède cependant un atout : un téléphone cellulaire. Il va grâce à lui intégrer la bande formée par trois adolescents qui occupent leurs journées comme ils peuvent, c'est-à-dire en faisant tout et n'importe quoi... Grâce à leur nouvel ami, le trio devenu quatuor peut maintenant poster les vidéos de ses exploits sur les médias sociaux.

Réalisateur : Vincent Biron | Dans les salles du Québec le 28 octobre 2016 (Funfilm Distribution)